Le Fils de Pardaillan
lut jusqu’au bout. Quand il eut fini, il fut pris d’un accès de colère. Il froissa le papier, en fit une boulette qu’il jeta au hasard. Quant à l’étui, il le jeta aussi, à toute volée, sur les marches de pierre, en grondant :
– Je serai donc poursuivi partout par ce maudit trésor ?… C’est à croire qu’une puissance infernale a décrété que je le volerai, ce trésor !… Par l’enfer ! plutôt que… Tiens ! tiens !… Qu’est-ce que cela ?
Voici ce qui motivait cette question : l’étui ne contenait qu’un papier. Jehan en était bien sûr. Ce papier, il l’avait extrait, en avait fait une boule qu’il venait de jeter. A telles enseignes qu’il la voyait encore là, au pied de l’escalier. Or, l’étui qu’il avait projeté sur les marches s’était brisé. Et de cet étui – vide – un autre papier s’était échappé et s’étalait sur une marche, à côté de lui.
La surprise et la curiosité firent tomber sa soudaine colère. Son premier mouvement fut de mettre le pied sur la première marche pour monter chercher le papier. Il s’arrêta hésitant. Il secoua les épaules et bougonna :
– Pourquoi ne verrais-je pas ce que c’est ?… Quel mal ferais-je ?… On croirait, ma parole, que je crains de succomber à la tentation !… Est-ce ce chiffre de dix millions qui m’éblouit ?… Cornes de Dieu ! ni pour un sol ni pour cent millions, je ne me ferai voleur !
Il franchit résolument les marches et ramassa l’étui. Il s’aperçut alors que ce n’était pas un, mais deux papiers qui étaient sortis de l’étui. Il examina celui-ci d’abord. Il sourit.
– Il y a un double fond… il s’est ouvert sous la violence du choc. Satisfait, il déplia un des deux papiers au hasard. C’était une cinquième copie du document. En français, celle-là. Il déplia l’autre papier.
Il ne portait pas une indication, pas un mot. Seulement il était bizarrement découpé à jour. Intrigué, il tourna et retourna le papier dans tous les sens en murmurant :
– Que diable est-ce là ?…
Impatienté il allait jeter ces deux papiers comme il avait jeté le premier. En les approchant l’un de l’autre, en un geste accidentel, il s’aperçut qu’ils étaient exactement du même format. Il vérifia et machinalement il les appliqua l’un sur l’autre. Et il s’écria joyeusement :
– Pardieu ! j’y suis !… Comment n’ai-je pas pensé à cela ?
Ce deuxième papier – on l’a compris – c’était une grille. En les appliquant l’un sur l’autre, des phrases ressortaient de distance en distance et bouleversaient le sens primitif.
Pour la clarté de ce qui suit, nous sommes obligé de redonner intégralement le texte du document que le père Joseph avait traduit du latin, Saêtta de l’italien, Pardaillan de l’espagnol, et enfin, à l’instant même, Jehan de l’italien encore, et finalement celui qu’il tenait en main, en français.
CAPELLA DE SANTO MARTYRIO
(Située à l’est et au-dessous du gibet des Dames)
Creuser au bas de la clôture, du côté de Paris. On découvrira une voûte sous laquelle il existe un escalier de 37 marches, aboutissant à une cave dans laquelle se dresse un autel [20] . Sur la pierre de cet autel sont gravés 12 traits figurant 12 marches. Creuser sous la douzième de ces marches, surmontée d’une croix grecque. On mettra à jour un gros bouton de fer. Frapper fortement sur ce bouton Une ouverture démasquera une fosse. Creuser dans cette fosse jusqu’à ce qu’on trouve une dalle. Sous la dalle il y a un cercueil. Le trésor est dans le cercueil. »
En appliquant la grille sur ce papier, voici ce que lisait Jehan le Brave :
« … Au-dessous du gibet des Dames, il existe un escalier de douze marches. Creuser sous la douzième de ces marches jusqu’à ce qu’on trouve une dalle. Sous la dalle, il y a un cercueil. Le trésor est dans le cercueil. »
Après avoir achevé cette lecture, le jeune homme demeura un long moment rêveur devant la dernière marche de l’escalier. Et il songeait :
– Ainsi les millions seraient enfouis sous cette marche ?… Si je regardais ?… Bah ! après tout, que m’importe !…
Il se mit à rire doucement, en disant :
– Et les autres : le roi, la reine, Concini et d’autres que je ne connais pas, qui s’acharnent à fouiller sous la chapelle !… Ils seront rudement déconfits quand ils s’apercevront qu’ils ont perdu leur temps et
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