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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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matrone… Eh ! eh !… ce soir peut-être, notre bon sire le roi passera par là…, et demain peut-être aurons-nous une nouvelle favorite !…
    L’ombre qui avait écouté la conversation de Fouquet de La Varenne avec dame Colline Colle sortit de son trou lorsque le marquis se fut éloigné.
    C’était un homme dans la force de l’âge. Les tempes grisonnantes, plutôt grand, sec, merveilleusement musclé, avec ces mouvements souples, aisés, que donne la pratique régulière de tous les exercices violents. Physionomie rude que n’adoucissait pas l’éclat de deux yeux de braise.
    L’homme resta un moment méditatif, les yeux fixés sur la lucarne de Jehan le Brave, et lorsque le jeune homme passa comme une rafale, il le suivit longtemps d’un regard étrange, terrible, un sourire énigmatique aux lèvres, puis il se dirigea d’un pas assuré vers la rue Saint-Honoré et pénétra dans une maison de fort belle apparence…
    Cette maison c’était le logis de Concini…
    L’homme resta là une demi-heure environ puis ressortit et se dirigea à nouveau, en flâneur, vers la rue de l’Arbre-Sec. Il allait le nez au vent, sans but précis, en apparence du moins. Tout à coup, son œil se posa, avec cette même expression étrange que nous avons signalée, sur Jehan le Brave qui paraissait chercher quelqu’un, à en juger par l’attention avec laquelle il dévisageait les passants. L’homme s’approcha doucement et posa la main sur l’épaule du jeune homme qui se retourna tout d’une pièce. En reconnaissant à qui il avait affaire, il eut un geste de déception. Néanmoins sa physionomie s’adoucit d’un vague sourire, et il dit :
    – Ah ! c’est toi, Saêtta !… J’avais espéré…
    Saêtta, puisque tel était son nom, demanda :
    – Que cherches-tu donc, et qu’avais-tu espéré, mon fils ?
    A ces mots, prononcés avec une intonation bizarre, les traits mobiles et fins de Jehan le Brave se contractèrent. Il releva vivement, rudement :
    – Pourquoi m’appelles-tu ton fils ?… Tu sais bien que je ne le veux pas !… Au surplus, tu n’es pas mon père !…
    – C’est vrai, dit lentement Saêtta en l’étudiant avec une attention farouche, c’est vrai, je ne suis pas ton père…
    « Cependant, quand je te ramassai – voici tantôt dix-huit ans – mourant de froid et de faim, sur le bord de la route où tu étais abandonné, tu avais deux ans à peine… Si je ne t’avais pris, emporté, soigné, veillé nuit et jour, car tu fus malade d’une mauvaise fièvre qui faillit t’emporter… si je n’avais fait cela, tu serais mort… Et depuis ce moment jusqu’au jour où je t’ai senti assez fort pour voler de tes propres ailes, qui donc a eu soin de toi, t’a nourri, élevé, qui donc a fait de toi l’homme sain, robuste, vigoureux que tu es devenu ? Moi, Saêtta !… Qui t’a mis au poing la rapière que voici et t’a appris le fin du fin de l’escrime, qui a fait de toi une des plus fines – si ce n’est la plus fine – lames du monde ? Moi !… Aujourd’hui tu es un brave sans pareil, fort comme Hercule lui-même, audacieux, entreprenant ; tu commandes à des hommes qui ne craignent ni Dieu ni diable et qui tremblent devant toi ; tu es le roi du pavé, la terreur et le désespoir du guet, l’admiration de la truanderie qui n’attend qu’un signe de toi pour te proclamer roi d’Argot… Qui a fait tout cela ?… Moi !… Mais je ne suis pas ton père… Tu ne me dois rien. »
    Tout ceci avait été débité d’une voix âpre, mordante. Jehan avait laissé dire, sans chercher à interrompre, et pendant que Saêtta parlait, il tenait ses yeux fixés obstinément sur lui. On eût dit qu’il attendait anxieusement une parole qui ne tombait pas. Quand il vit que l’autre avait fini, il se secoua furieusement, comme pour jeter bas le fardeau de pensées obsédantes, et il gronda :
    – C’est vrai !… Tout ce que tu dis là est vrai !… Mais il paraît que je suis un monstre… ou peut-être m’as-tu trop bien élevé, puisque…
    – Achève, dit Saêtta, avec un sourire sinistre.
    – Eh bien, oui, par l’enfer ! j’achèverai. Quand tu me regardes, comme tu le fais en ce moment, avec ce sourire satanique, quand tu me parles, de cet air narquois qui m’enrage, quand tu m’appelles ton fils, avec cette équivoque intonation, je sens, je devine que tu es mon plus mortel ennemi… que tout ce que tu as fait pour moi, tu l’as

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