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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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qu’il était tout entier dans la main de cette femme, auprès de qui il allait jouer la comédie de la passion, qu’il allait enlacer de ses bras robustes et que, selon qu’il aurait réussi à la convaincre ou non, elle pouvait d’un mot, d’un geste, à son gré, l’élever jusqu’aux plus inaccessibles sommets ou le précipiter au fond de l’abîme béant devant lui.
    Oui, fortune, honneurs, gloire, puissance et la vie même, tout cela dépendait de l’attitude qu’il aurait durant l’heure qui s’ouvrait. Une seconde de distraction et il était perdu.
    Assez audacieux pour avoir osé engager la partie, il avait trop de souplesse et d’astuce pour ne pas chercher à la diriger à son avantage, trop d’ambition pour, la gagnant en trichant effrontément, ne pas s’efforcer d’en tirer tout le profit possible.
    Il joua son rôle en comédien génial. Il n’eut pas une défaillance, pas un oubli. Il fut tour à tour tendre et fougueux, violent et timide, mélancolique et enjoué, avec un tact admirable.
    Il eut même ce bonheur extravagant d’être servi par l’impatience et l’énervement qui le rongeaient. Il eut, en effet, quelques accès, pendant lesquels on eût pu assez justement croire qu’il cherchait à étouffer, à déchirer cette femme que, tout en balbutiant des mots d’amour, il maudissait au fond de son cœur, en l’envoyant à tous les diables. Et ces manifestations d’une rage impuissante, elle les prit pour les emportements furieux d’une passion poussée jusqu’au délire.
    Le tête-à-tête amoureux dura un peu plus d’une heure. Une heure qui lui parut, à lui, longue comme une éternité, à elle, brève comme une minute de rêve, d’inoubliables délices. Il la laissa brisée, meurtrie, mais heureuse, charmée, conquise.
    Et délivré de l’abominable contrainte, joyeux de se sentir libre de ses actes et de ses pensées, il s’en fut droit à son logis de la rue Saint-Honoré. Il jouait de bonheur : Léonora était retournée au Louvre ; il avait les coudées franches. Il fit appeler nos trois braves, et s’enfermant avec eux dans son cabinet, il leur donna des instructions minutieuses et précises.
    Que voulait-il au juste ? Voici :
    Henri IV, dans ses aventures galantes, ne savait pas se passer de confidents. En dehors de La Varenne, homme à tout faire qui ne comptait pas, il avait une demi-douzaine d’intimes à qui il fallait absolument qu’il racontât ses espoirs et ses déceptions, ses joies et ses tristesses. Naturellement, chacun de ces intimes avait de son côté quelques intimes à qui il confiait, sous le sceau du secret, tout ce qu’un intérêt direct ne lui commandait pas de tenir secret. Autour de ce noyau, déjà assez considérable, gravitait la foule des intrigants qui se faufilaient, cherchant à surprendre un renseignement utile. Ajoutez la multitude des espions, hommes et femmes, qui, pour le compte des uns et des autres, épiaient, écoutaient, voyaient, devinaient et rapportaient tout, ou à peu près. Brochant sur le tout, et dans des circonstances graves, les ministres eux-mêmes entraient en branle et discutaient aussi gravement que s’il s’était agi des affaires de l’Etat.
    Lorsque le roi s’était épris de Bertille, l’inévitable s’était produit. C’est-à-dire qu’il avait raconté sa passion naissante à ses intimes.
    Ceux-ci s’étaient précipités rue de l’Arbre-Sec, dans l’espoir d’entrer en contact avec la belle et de faire leur cour à celle qui pouvait devenir une favorite, dispensatrice de charges et de faveurs. Nous avons dit qu’ils en avaient été pour leurs frais. Ils avaient pu entrevoir la demoiselle Bertille, comme on l’appelait, mais non l’aborder. Quelques-uns cependant s’étaient enthousiasmés de cette beauté.
    Concini n’était pas des privilégiés qui jouissaient de la confiance royale. Par contre, il était de ceux qui disposaient d’un service de renseignements parfaitement et aussi complètement renseigné que les mieux renseignés des premiers confidents.
    Il fit ce qu’avaient fait les autres : il s’en alla rôder rue de l’Arbre-Sec. Il vit Bertille à sa fenêtre, et ce fut le coup de foudre. Tout de suite, il la désira fougueusement et se jura qu’elle serait à lui, quoi qu’il pût en résulter.
    Sur ces entrefaites, Léonora était venue lui dire que, le soir même, le roi serait tué. Le roi mort, son règne, à lui Concini, commençait, sous le

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