Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
Vom Netzwerk:
tendez la perche secourable qui va le tirer d’embarras, les mots que vous prononcerez vont faire jaillir spontanément les idées de son cerveau. Une sorte d’instinct spécial lui fera deviner dans quel sens il doit s’orienter pour vous convaincre et c’est vous même qui lui aurez, sans le savoir, indiqué la bonne voie.
    Nous ne voulons pas dire qu’Escargasse connaissait la particularité que nous signalons. Il subissait son influence sans s’en rendre compte. Concini ayant prononcé le mot : « extraordinaire », il l’avait ramassé et il l’amplifiait de son mieux. Mais on remarquera qu’il ne donnait aucune explication. Il étourdissait son interlocuteur par un débordement de mots sans signification. Et cependant, il le guignait du coin de l’œil, il tâchait de lire dans ses yeux, il espérait, il appelait de tous ses vœux l’interruption qui lui permettrait de souffler d’abord, qui lui indiquerait ensuite dans quelle direction Concini lui-même voulait le voir s’engager pour être persuadé. Et Concini lui tendit la perche en disant d’un air sceptique :
    – Oh ! pour émouvoir la ville et la cour au point que vous dites, il faudrait… une catastrophe effroyable. Et quant à vous, pour vous empêcher de passer alors que vous savez que j’attends et qu’il y va de votre place, je ne vois guère… ma foi oui, qu’un nombre suffisant d’archers ou de sergents à boulaies [5] .
    Concini avait daigné sourire en faisant cette plaisanterie. Les trois renchérirent en riant bruyamment et Escargasse, la bouche fendue jusqu’aux oreilles, flagorna bassement :
    – Vé ! il n’y a pas de charme à faire un rapport à monseigneur… il devine tout.
    Mais ces mots : catastrophe, archers, sergents, avaient déclenché le ressort de l’imagination. Maintenant il tenait le canevas de son histoire et quant aux détails, ils lui viendraient naturellement en parlant. Il se hâta de conter :
    – Au vrai, monseigneur, la rue a été envahie par une centaine d’archers avec monsieur de Neuvy à leur tête. Nous nous sommes trouvés pris au milieu avec impossibilité de passer, attendu que les archers barraient le passage du côté du Trahoir, d’autres le barraient du côté de la Seine, et qu’ils étaient si nombreux, en rangs si pressés, que je vous jure qu’une anguille n’aurait pu glisser entre eux. Sans compter qu’il y avait encore les gardes et M. de Praslin, et M. de La Varenne, et d’autres encore. Tout ce monde paraissait affolé, menait grand bruit, avec force trouble et confusion, si bien qu’on eût pu se croire revenu aux grands jours de la Ligue. Ce que nous avions de mieux à faire, ne pouvant nous faufiler à la douce, était de nous tenir cois, d’éviter d’être découverts, parce que le moins qui eût pu nous arriver était d’être immédiatement saisis et jetés dans quelque cachot d’où nous ne serions pas sortis vivants. Vous voyez que, si nous vous avons fait attendre, il n’y a vraiment pas de notre faute.
    Dans ce récit, débité avec une grande volubilité, ponctué par une avalanche de gestes frénétiques, il avait utilisé la vérité en l’arrangeant à sa manière, pour les besoins de sa cause. Son unique préoccupation était de prouver que ce malheureux retard, pour lequel on les menaçait de les chasser, ne provenait pas de leur fait. Naïvement, il se figurait que c’était la seule chose qui intéressait Concini. Il espérait l’avoir convaincu et en avoir fini avec cette histoire.
    Malheureusement, il se trompait. Concini n’y pensait même plus, à ce retard. Sous son apparente indifférence, il avait écouté avec une attention passionnée. Ce déploiement de forces, extraordinaire à pareille heure, qu’on lui signalait, lui paraissait la preuve certaine que l’attentat avait été commis… ou éventé. C’est ce qu’il fallait savoir en arrachant les détails par des questions détournées. Il accentua son air d’incrédulité pour dire :
    – Quel conte me fais-tu là, coquin ? Une centaine d’archers, dis-tu ? Neuvy, Praslin et ses soldats !… Il y a donc eu émeute… bataille ?
    – S’il y a eu bataille !… Vé, dites, vous autres !… Monseigneur qui demande s’il y a eu bataille !… Mais, Monseigneur, nous avons vu emporter des… blessés (il allait dire des morts). Même que nous en avons compté… Combien en avons-nous compté, Gringaille ? Dis-le, va… n’aie pas peur.
    A tout

Weitere Kostenlose Bücher