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Le Fils de Pardaillan

Titel: Le Fils de Pardaillan Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Zévaco
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juge.
    Et bravement, très calme, la main droite crispée sur le manche du poignard, elle tira le verrou, ouvrit la porte toute grande en disant d’une voix où perçait une pointe d’inquiétude :
    – Que vous arri…
    Elle n’eut pas le temps d’achever sa phrase. Deux bras robustes la saisirent à plein corps. Elle voulait crier, elle poussa effectivement un long cri. Mais ce cri fut étouffé sous les plis d’un vaste manteau brusquement jeté sur sa tête. Elle voulut résister, utiliser l’arme qu’elle serrait dans sa main crispée. Elle se sentit vivement enroulée dans le manteau, des liens doux – des écharpes sans doute – immobilisèrent ses bras et ses jambes pendant que des poignes vigoureuses la maintenaient, la soulevaient, l’emportaient d’ailleurs avec précaution.
    Elle ne s’évanouit pas. Elle ne perdit pas son sang-froid. Elle s’abandonna passivement, comprenant que toute tentative de délivrance serait vaine, réservant prudemment ses forces pour une occasion meilleure, serrant convulsivement le poignard qu’elle avait eu la chance de conserver, avec l’unique crainte de le perdre.
    L’un la tenant par les pieds, l’autre par les épaules, le troisième fermant la marche, ils descendirent doucement au rez-de-chaussée, éclairés par la mégère qui tenait à gagner consciencieusement l’or de Concini.
    Elle les conduisit jusqu’à la porte basse de l’impasse, et avant d’ouvrir, elle les avertit avec sollicitude :
    – Prenez garde !… Il y a quatre marches à descendre !… Là !… Doucement !…
    Ce qui, d’ailleurs, n’empêcha pas l’un des trois, avant de sortir, de lui dire, sur un ton qui lui fit passer le frisson de la malemort :
    – A présent que tout est fini, si tu ne veux pas avoir la langue coupée, vieille sorcière, tâche de te taire. Si tu ne veux avoir les yeux arrachés, le ventre crevé à coups de dague, tâche d’oublier ceci et nos visages de façon à ne jamais les reconnaître.
    Terrifiée, elle bégaya en se signant :
    – J’oublierai… je me tairai… je le jure, monseigneur !…
    Sa terreur était réelle et profonde. Pourquoi maintenant seulement alors que, jusque-là, elle s’était montrée si vaillante ? Parce que le malandrin avait expliqué la chose en disant : « A présent que tout est fini », ce qui sous-entendait qu’on n’avait plus besoin d’elle. N’ayant plus besoin d’elle, elle se disait, en frémissant, que l’idée pouvait venir que le plus sûr moyen de s’assurer de sa discrétion était encore de l’égorger purement et simplement sur le seuil de sa porte. Maintenant, c’était sa précieuse carcasse qui était directement menacée. Sa belle assurance avait fait place à la plus intense terreur.
    Et pourtant, malgré tout, dans l’ombre, elle chercha la main de Carcagne et la serra furtivement. Elle trouva moyen d’approcher ses lèvres de son oreille et de lui glisser dans un souffle :
    – Revenez me voir ! Je ne suis pas si farouche qu’il y paraît ! Ayant épuisé tout son courage, avec une hâte fiévreuse, qui n’excluait pas la prudence, elle verrouilla et cadenassa la porte avec plus de soin que jamais, et ne respira que lorsque, cette opération délicate terminée, elle se jugea en parfaite sûreté. Alors, sans perdre une seconde, elle se rua dans sa cuisine. Elle trouva, à tâtons, un grand escabeau, qu’elle posa sans bruit sous l’œil-de-bœuf. Elle grimpa dessus avec une agilité surprenante, et là, dissimulée dans l’ombre, elle regarda et écouta de toute la puissance de ses petits yeux rusés démesurément ouverts, de ses larges oreilles, avidement tendues.
    Bertille fut doucement étendue sur les coussins moelleux de la litière. Elle essaya de se soulever, mais paralysée par ses liens, elle ne put y parvenir. Alors, d’une voix étrangement calme, elle proféra :
    – Ne peut-on me délivrer de cette cagoule qui m’étouffe ? Faible et assourdie par l’épaisseur de l’étoffe, la voix parvint cependant jusqu’à Concini qui se tenait debout contre la portière. Cette voix, c’était la première fois qu’il l’entendait. Elle lui produisit l’effet d’une musique d’une douceur pénétrante qui le remua jusqu’au fond de l’âme.
    Oubliant que la jeune fille ne pouvait le voir, il se découvrit dans un geste un peu théâtral, empreint de cette grâce élégante qui caractérisait ses gestes et ses attitudes, et il dit avec

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