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Le Gerfaut

Le Gerfaut

Titel: Le Gerfaut Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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Être sûr. Peut-être est-ce que je me trompe… Mais il n’y croyait pas.
    L’appel de la cloche fit accourir un palefrenier qui, devant la mine hautaine du gentilhomme, s’inclina avec déférence. Non, Monsieur le Comte n’était pas au château mais Madame la Comtesse, elle, s’y trouvait…
    — Dans ce cas, demandez-lui si elle veut bien faire au chevalier de Tournemine de la Hunaudaye la grâce d’un moment d’entretien pour affaire grave.
    Guidé par l’homme, Gilles franchit le pont dormant, la voûte profonde et déboucha dans une cour de belle ordonnance ouvrant sur un beau jardin en terrasse que prolongeait la masse dense de la forêt. Le palefrenier prit la bride de Merlin et remit son maître à un majordome qui se chargea de l’annoncer. Un moment plus tard on l’introduisit dans un petit salon du rez-de-chaussée, jolie pièce aux boiseries claires ouvrant à la fois sur la cour et sur l’étang et où pétillait un grand feu sous l’œil un rien figé de quelques portraits de famille.
    Assise auprès de la cheminée, dans une bergère couverte de tapisserie à grands bouquets, une jeune dame, coiffée de dentelles et vêtue d’une robe de velours brun dont l’ampleur dissimulait adroitement une taille momentanément épaissie, dévidait un gros écheveau de laine tendu sur les deux mains d’une jeune paysanne assise à ses pieds sur un tabouret. Elle salua l’arrivant d’une inclination de tête.
    — On me dit, monsieur, que vous souhaitez m’entretenir d’affaires importantes et je ne vous cache pas que vous me voyez fort embarrassée. Monsieur de Châteaugiron s’est rendu tôt ce matin à Coëtquidan pour une affaire de bornage, je ne sais trop quand il rentrera et malheureusement je ne suis pas du tout certaine de pouvoir le remplacer. Mais entrez, je vous en prie, entrez et prenez place, ajouta-t-elle en indiquant un fauteuil proche du sien.
    Gilles salua et s’assit.
    — Je vous supplie de croire, madame, que je ne me serais pas permis de vous importuner de la sorte si je n’avais à vous offrir des raisons trop graves pour être différées d’un seul instant. Veuillez me pardonner… et songer qu’il y va de ce qui fait l’objet le plus important de toute ma vie.
    Agathe de Trecesson, épouse de René-Joseph Le Prestre, Comte de Châteaugiron et marquis d’Espinay, pouvait avoir vingt-cinq ou vingt-six ans. Elle n’était pas régulièrement belle mais son petit visage sérieux, couronné de magnifiques cheveux châtain clair respirait la douceur, ainsi d’ailleurs qu’une lassitude, visible aux cernes dont se marquaient ses yeux bruns. Des yeux qui examinaient le visiteur avec une attention un peu perplexe.
    — Est-ce donc si grave ? articula-t-elle enfin.
    — Plus que je ne saurais le dire, Madame la Comtesse.
    — Eh bien ! soupira la jeune femme. Tu peux nous laisser, Perrine ! La laine attendra…
    La fillette se leva, cherchant où poser le gros écheveau qui encombrait ses mains. Gilles, spontanément, offrit les siennes.
    — Si vous le permettez ! J’ai bien souvent fait cela quand j’étais enfant.
    Une lueur de gaieté traversa le regard las de la future mère tandis que Gilles, quittant son fauteuil, pliait ses longues jambes pour s’installer sur le tabouret.
    — C’est bien la première fois que ma dévideuse sera un militaire, dit-elle en souriant. Car vous êtes soldat, n’est-ce pas, Monsieur le Chevalier. Cela se voit à votre maintien,
    — En effet, madame. Lieutenant « à la suite » aux Dragons de la Reine.
    La Comtesse reprit sa pelote et recommença à enrouler la grosse laine bise qui s’envolait lentement des mains du jeune homme.
    — Savez-vous que votre nom m’a surprise, tout à l’heure ? reprit-elle au bout d’un instant. Je ne savais pas qu’il existât encore des Tournemine. Je croyais le nom éteint.
    — Il l’était, madame, ou plutôt il se fût éteint en la personne de mon père, le Comte Pierre si, frappé à mort sur le champ de bataille de Yorktown, il ne m’avait reconnu solennellement en présence de tous les chefs de l’armée. Le Roi a bien voulu entériner cette reconnaissance d’un garçon qui jusqu’à cette minute n’était qu’un… accident !
    L’intérêt anima soudain le visage de la jeune femme.
    — Yorktown ? Où prenez-vous cela ?
    — En Amérique, madame… et plus précisément en Virginie. N’avez-vous pas entendu parler des succès remportés là-bas

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