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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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cris perçant la rumeur comme deux coups d’épingles : Tancrède.
    —  Jean ! Couraaaggge !
    Margot… Elle pouvait s’égosiller, la mâtine : le vacarme, en face, étouffait tout… Et qu’importait : ils étaient seuls ; seuls comme les samnites de Rome ! Et César, c’était Knolles, empereur des truands… Et les coups devenaient rudes : des étincelles jaillissaient de cet orage d’acier… Les autres ? Impossible de les voir : Briatexte attaquait, attaquait ; les lions mutilés seraient bientôt méconnaissables. Tant mieux : il les conserverait en l’état où ils se trouveraient à l’issue du combat. L’absence de queues y serait moins flagrante… Que ce malandrin s’épuise… Qu’il s’étouffe à en vomir ses poumons ! Qu’il transpire sous son fer !… Que sa sueur poivre ses yeux ! Qu’il tourne ! Son armure funèbre devait commencer à peser, à le gêner aux entournures ! Les autres ? Que devenaient les autres ? Qu’ils ne faiblissent pas, surtout !
    — Prends ça !… Je vais briser ta tortue et tu ventrouilleras comme elle !
    Jean ! Il riait ! Présomptueux, mais efficace… Tiendrait-il ? À défaut de bien savoir manier les armes, le garçon possédait la hargne, la jeunesse, chevillées l’une à l’autre par une outrecuidance sans limites.
    Le damoiseau cria – tant pis s’il le vexait :
    — Tout va, Hugues ?
    — Courage, Ogier !
    La voix semblait assurée. Et même gaie.
    — Tu t’inquiètes, Argouges, pour votre vieillard ?
    Répondre par l’épée à cette question ricanante. Confiance siffla en tempête : devant le bassinet, le bouclier carré sursauta et se bossela.
    « Il est prompt ! Bon sang, si je pouvais lui démancher la tête ! »
    Et là-haut… Cent personnes hurlantes sur le mur. Cent personnes – les mêmes – aussitôt muettes : la peur… La peur pour qui ? Pour Jean ? Pour Hugues ?… Savoir lequel des deux éprouvait des difficultés… Impossible : Briatexte frappait, frappait encore… Lui rendre au moins un coup et qu’il fût effrayant !
    Bam ! Cette fois, le bouclier était franchement tordu.
    — Tu cognes fort, mais tu ne m’auras pas, Argouges… Ma vie sera longue et je porte une armure… increvable… Je n’ai rempli mes coffres qu’à moitié ! L’autre moitié, c’est dans ce maudit château que je la prendrai !
    — Prends toujours cet acompte-là !
    Passant de biais sous l’écu, Confiance adroitement pointée s’enfonça dans le défaut de la cubitière droite et atteignit les chairs.
    — Mordieu !
    C’était un coup fulgurant et sa réussite tenait du prodige. Un filet de sang teinta le métal noir ; mais le blessé ne lâcha pas son arme.
    — Qu’en dis-tu ?… Défie-toi, malfaisant, de ta hautaineté. Elle commence à te porter préjudice ainsi qu’à ce lion empêtré dans son sable !
    Le bouclier parut sursauter devant le poitrail de fer du chevalier. Lorsqu’il chut sur le sol, Briatexte reculait, prêt à recevoir une volée de coups.
    — Ah !… Il te faut tes deux mains pour tenir ton épée ! D’où souffres-tu le plus : ta chair ou ton orgueil ?
    — Jeune coq !
    — Tu étouffes de rage… Ah ! que ne donnerais-je pour voir ton visage !
    — Ce coup ne me rend ni manchot ni couard bien qu’étant de la meilleure espèce. Il ne signifie pas, damoiseau, que tu sortiras vivant de ce champ clos… même si tu conserves à ton bras cet écu singulier !
    — Il t’indispose ? Eh bien, voilà ce que j’en fais !
    Ogier laissa tomber son bouclier, suscitant ainsi, sur les hauteurs de Rechignac, des huées et des invectives.
    — Ta générosité les consterne, les indigne… et les effraie… As-tu oublié que c’est de leur sort qu’il s’agit ? Si nous gagnons, pas un ne survivra…
    — Je n’ai rien oublié.
    Ils s’épiaient, se menaçaient du geste, sans toutefois passer de l’intention au coup.
    — Ils ont bien raison d’être mécontents ! ricana la tête de fer. En ce qui me concerne, j’ai horreur de la perfection, sache-le… Rien ne m’écœure plus que les bourbiers de louables sentiments où pataugent ceux de ton espèce !… Nous voici seuls derrière nos épées… La mienne, c’est Gloriande !
    — C’est, ma foi, le nom d’une noble et vaillante pucelle d’Ogier le Danois… Et tu l’as profané en baptisant ainsi le plus vil des aciers !… Ma parole, tu salis tout ce que tu touches !
    Ne plus

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