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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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en sûreté.
    Quelque chose d’obscur passa dans ses yeux. Elle parut s’absorber dans une pensée fort étrangère aux événements qu’elle évoquait. Sans envie d’obtenir les détails sordides qu’il pressentait, Ogier demanda :
    — Comment le vieux t’a-t-il reçue à Saint-Rémy ?
    Il en était au tutoiement. Elle ne parut pas s’en apercevoir. Ni même qu’il l’avait saisie par la taille.
    — Cela remonte à trois ans… J’étais niaise, faut croire… Il m’a dit : « Suis-moi, je vais te payer ton dû »… Et il m’a poussée dans une chambre… Comme je me débattais, il a appelé à l’aide… Quatre gars sont venus et Didier en était.
    — Tu aurais dû nous prévenir. À défaut de mon oncle…
    Ogier s’interrompit : avant ces jours funestes, se serait-il soucié des malheurs d’Aliénor ? Elle chevrota :
    — Les fredains [39]  ! Les immondes !
    Deux larmes roulèrent sur ses joues.
    — Avec Calixte, auquel ma mère m’a vendue, j’ai jamais rien su de l’amour… Avec ceux de Saint-Rémy, messire, j’ai appris ce que peuvent éprouver les otages… Tiens, comme celles d’en bas, la nuit !… Quand j’ai été comme morte, Didier et Cabanis m’ont jetée au-delà du pont-levis… Point d’écus, bien sûr… Je suis revenue seule au hameau, dans la nuit. Mon époux, de ce jour, ne m’a plus touchée ni parlé, ce qui me soulageait ; mais, aussi, il ne m’a plus nourrie… Sans Anne et Margot ; sans les morceaux de lard et de pain que me passaient Marcelin et Pimouguet qui sont ici et m’aidaient… contre quoi, vous vous en doutez, je serais morte de faim… Alors, le Calixte, je m’en soucie pas.
    Ogier comprit qu’il haïssait Saint-Rémy autant que Richard de Blainville.
    — Didier et tous les gars qui t’ont fait du mal sont morts. Quant à ce vieil hutin, crois-moi, je le tuerai… Eh, que fais-tu ?
    Elle avait saisi son visage entre ses mains et l’attirait vers elle.
    — Vous êtes bon…
    Ce fut un baiser doux, sur une bouche fraîche. Le damoiseau se demanda s’il ne se prêtait pas à cette ferveur inattendue pour oublier l’échec de la nuit précédente et la déception qui le hantait.
    Aliénor gémissait doucement, il sentait ses cuisses frissonner sous ses paumes.
    — Ah ! dit-elle en éloignant son visage et en passant sa langue sur ses lèvres, c’est vrai qu’à quinze ans, ma mère m’a vendue au Calixte… ou plutôt échangée contre un lopin de terre au bord de l’Isle… Bien sûr, j’étais neuve.
    Encore un mauvais souvenir.
    — Tu dors au-dessus des étables ?
    — Oui, nous sommes sept dans un coin… Nous veillons sur nous comme nous pouvons.
    Menacées de l’extérieur et de l’intérieur. Mais fallait-il grouper toutes les femmes au donjon ? Fallait-il rétrécir leur liberté déjà restreinte ? Certaines protesteraient.
    Reculant d’un pas, Ogier s’adossa à la poutre centrale. Aliénor l’y rejoignit, décidée, la bouche humide et rieuse. Il la ceintura et l’écrasa contre lui, devinant sous ses mailles, outre les renflements des seins, celui du ventre dur, insistant. Il replia une jambe, sa semelle contre le bois. Son genou s’encastra entre les cuisses fermes. La femme s’y frotta en soupirant avec une sorte de fureur convulsive comme certaines bêtes, au moment de la mue, frayent contre les arbres leurs bois ou leur pelage en haillons.
    — Il faut se méfier, messire : l’Henri va revenir.
    Ogier lâcha sa proie. La tête lui tournait un peu.
    Était-ce si simple ? Pourquoi donc restait-il sur sa faim ? Sans doute parce que cette soumission d’une femme en rut se révélait trop sommaire.
    — Viens, dit-il en prenant Aliénor par la main.
    Avec Margot, tout avait sombrement avorté. Avec cette autre, hardie et docile à la fois, il allait prendre sa revanche.
    Parvenu sur le seuil de sa chambre, il fut tenté de proposer : « Reviens ce soir. Tu seras bien, céans. Mieux que dans ton fourrage », mais l’audacieuse le baisa sur la bouche, goulûment, longuement. Il sentit tout à coup s’embraser ses entrailles.
    Titus s’agita sur sa perche, Saladin sauta du lit et s’en alla en grondant.
    — N’aie crainte, il va veiller devant la porte.
    — Est-ce ainsi qu’il faisait quand vous receviez Anne ?
    Ogier engagea la targette du verrou dans sa gâche.
    — Puisque tu sembles tout savoir, que penses-tu du Thibaut ?
    Il perçut un soupir, suivi d’un rire

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