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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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grêle.
    — Elle n’obtiendra pas grand-chose. Ces hommes tout en viande sont de piètres jouteurs. Comme certains seigneurs empêtrés dans leurs mailles, ils peuvent rarement courir plus d’une lance.
    Un rire un peu plus fort. Puis avec un regret, nullement un remords :
    — Le Thibaut lui aussi m’a nourrie… Vous en faites point : Anne auprès de lui sera quiète… Avant que notre seigneur ne parte pour l’Écluse… donques avant votre venue, le Thibaut avait commis je ne sais quoi qui avait mis le baron en fureur. Messire Guillaume le condamna à porter sur son dos un veau de quelques semaines pendant une demi-lieue… Je ne sais plus comment s’appelle cette punition…
    — Le harnescar.
    — C’est ça… Eh bien, on raconte qu’il n’a pas pu toucher sa femme pendant des mois. Il ne quillait plus… Fort et faible, quoi ! Et pourtant le veau, il l’avait porté, bien porté sur ses épaules…
    Las de ce bavardage, Ogier déceignit son épée.
    — J’ignorais que le Thibaut avait été marié.
    — Bien avant votre venue ! Sa femme est morte en hiver. Elle crachait ses poumons.
    Ogier se détourna enfin.
    — Holà ! Tu n’as pas perdu ton temps.
    Tout en parlant, Aliénor s’était dévêtue. Elle piétinait sa camisole et serrait sa robe devant elle.
    — Si je me suis hâtée, c’est que ces linfars peuvent revenir et nous faire un empêchement.
    Grande et rose, avec des épaules larges et lisses. Ses jambes étaient longues, troublantes ; des mollets fuselés, des genoux potelés annonçant des cuisses dodues et fermes, et comme elle remuait, indécise, il en voyait frémir les muscles, rides fugaces comme une onde plissée par un souffle. La poitrine opulente, mais bien liée au corps, pointait haut ses deux fleurs granuleuses.
    — Ah ! messire…
    Les yeux soudain clos, à la fois craintive et fière, Aliénor souleva son sein dans sa main en coupe et fit un pas, le lui offrant. Il l’effleura du bout des doigts, sensible au velouté de ce fruit mûr, gonflé, tout ensemble dur et tendre, et qu’il saisit entre ses lèvres, à sa bouture, qu’il contourna d’un trait de langue, et fut tenté de mordiller.
    — Ah ! messire… messire.
    Aliénor vibrait, s’exaltait. Il percevait le flux d’un désir effréné.
    — J’avais envie de ça depuis si longtemps… On dit que ces caresses-là sont défendues… Croyez-moi… C’est vrai… Nul ne m’a fait cela, encore…
    Cet encore, bien détaché du reste de la phrase, avait plusieurs sens. Et pour qu’il ne s’y trompât pas, elle lui offrit l’autre sein, plein des palpitations de son cœur et des rumeurs de son sang. Il l’enveloppa tandis que dans les yeux d’Aliénor l’iris se perdait sous les paupières baissées. Il mordilla. Elle exhala un gémissement furtif.
    — Tu n’as jamais… On ne t’a jamais fait ça, vraiment ?
    — Oh ! non… Le chapelain me l’a souvent demandé.
    — Arnaud Clergue ?
    — Oui.
    — Il voudrait même en savoir plus… Pas vrai ?
    — Oui… Baisez-moi de nouveau le téton, s’il vous plaît.
    Ses pupilles s’étaient agrandies. Des lueurs y pétillaient – délices et impatience. Elle chuchota contre l’oreille du damoiseau, d’une voix qui semblait venir du tréfonds de son être, et vibrait d’une angoisse sincère :
    — Ils m’ont plus mal traitée qu’une fille faillie… Ne me faites pas souffrir, surtout.
    Cette crainte qui remuait Aliénor de haut en bas, Ogier la perçut contre ses mains serrées sur ses hanches, tandis qu’elle se courbait vers lui comme un arc prêt à décocher son trait.
    — Laisse-moi faire.
    De sa bouche, il effleura la lisière des cheveux, une épaule. Elle avait de nouveau fermé ses paupières, et soupirait. Ses doigts s’ouvrirent lentement, sa robe glissa et tomba sur les dalles.
    Il la tint éloignée de lui. « Belle encore. » Un alliage de fruste vigueur et de luxuriance charnelle. Large bassin, hanches minces, un cou sans ride où trois gros grains de beauté semblaient l’amorce d’un collier.
    — Je vous plais ?
    Lui plaire ? Oui. Elle atteignait cette période ardente et amère de la floraison après laquelle la vieillesse lancerait ses griffes invincibles. L’aimer ? Impossible. L’amour ? Qu’était-ce, après tout ? S’il existait, la guerre en supprimait la morale et les enluminures. Le sexe y substituait sa loi, étrangère à toute logique comme à tout attendrissement.

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