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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Vivre, c’était pour l’instant, dans l’univers restreint de Rechignac, manger, échapper à la tuerie, et plutôt que d’aimer se purger les entrailles.
    — Je suis belle, messire ? Pourquoi êtes-vous si chagrin ?
    Comme celle de Margot, la chair d’Aliénor, trop vite révélée à son indiscrétion, le désenchantait presque. Cette simplicité dans les commençailles, cette sorte de hâte à le satisfaire, bien qu’il n’eût rien exigé, lui imposaient un regret : la disparition d’Anne. Elle l’avait fait languir malgré son audace du premier soir. Il l’avait connue par fragments avant qu’elle fût consentante, mais cette avarice-là avait précédé des générosités folles, des largesses, des prodigalités dont Thibaut ne profiterait jamais.
    — Alors, messire ?
    Aliénor souriait, la bouche généreuse, les joues brûlantes et les yeux clos, enlisée semblait-il dans le plaisir d’être nue, et disponible. Toutes pareilles, en vérité… Ces creux, ces bosselures et ces clartés de lait… Elle avait des mollets bien renflés, des cuisses de femme accoutumée à la marche… Pénombre du ventre bombé, mousseux comme un nid de passereaux, et devant lequel elle maintenait une main plate où, en même temps sans doute que son émoi, s’allumait l’émail vert d’une bague.
    Il posa son épée sur son coffre et s’approcha. Il allait saisir Aliénor aux hanches quand elle l’emprisonna par les siennes et le renversa sur le lit avec une promptitude, une vigueur insoupçonnables.
    — Eh là, ma belle… C’est moi qui mène le jeu !
    — J’ai tellement envie de vous connaître, messire… Ne pouvez-vous vous mettre nu ?
    — Non… Il me faut être prêt, si les Goddons reviennent.
    Elle lui communiquait ses frissons et son impatience. Il s’allongea sur le flanc et eut la joue d’Aliénor sur son bras, tandis que d’une main vivace elle retroussait autour de lui tout ce qui la gênait, sans se soucier de se griffer aux anneaux dont la soudure s’était rompue.
    — Pourquoi t’exaspérer ?
    Elle se résigna non sans quelque dépit.
    Il la caressa, courbé sur elle. Elle avait refermé ses yeux. Furtif, un sourire désunit ses lèvres. Elle était chaude, abondante ; aisselles touffues, odorantes ; elle lui retint la main tout en croisant ses jambes. Ultimes pudeurs ? Astuces ? Jeu ? Il la vainquit sans mal et glissa sur la pente fluide. Elle était collines et vallons, broussailles et sentes ; elle haletait et prononçait des murmures creux comme elle, onctueux comme elle, mais quand il voulut se pencher, elle protesta :
    — Non… Non… Ah ! messire, j’aurais dû venir la nuit… En plein jour, j’ai moult vergogne.
    Il était bien temps ! Lui, il avait goûté à ce breuvage, il devait s’en désaltérer. Il continua de glisser ses mains sur elle, de bas en haut, du velours au velu, des renflements aux creux, et comme il la lâchait, ce fut elle qui le contraignit à l’effleurer, à l’atteindre, la boucler, la lisser, la sonder, suscitant parfois un gémissement, un frisson, un rire.
    Il joignit ses lèvres aux siennes. Elle s’en décolla pour dire :
    — Ne ne me faites pas languir !
    Les reins soulevés, sans qu’un muscle de son corps bronchât, elle attendait. Quelque chose d’étrange palpitait dans ses prunelles ; une expression de rage et d’avidité.
    — Venez, messire !… Ah ! fouissez-moi.
    Il obtempéra, car elle l’avait saisi et conduit d’une poigne autoritaire.
    Et sitôt qu’il l’eut investie, triomphante et crispée, frémissante, incandescente, juteuse comme cette bouche à laquelle il donnait son souffle et dont il aspirait l’écume, il comprit que leurs faims étaient différentes, si discordantes qu’il ne pourrait agir au mieux de leurs deux corps.
    Il l’avait attrapée aux épaules, mais plutôt que de se laisser aller dans la patience et l’espoir, elle se convulsait à contresens, menait sous lui des cabrioles sauvages, et rien ne pouvait l’arrêter.
    Il la sentit devenir torrent, cavale, esquif roulant et tanguant sous sa propre bourrasque, puis ouragan. Elle n’allait pas au vertige : elle s’y précipitait. Il sentit ses ongles s’incruster dans ses fesses tandis que, sa voracité se déchaînant, elle essayait de lui mordre les lèvres.
    — Bon sang ! protesta-t-il, cesse un peu tes incartades… Laisse-toi aller !
    Mais elle rit et, recollant son visage au sien, se remit à se

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