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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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Blanquefort :
    — Il y a chez nous un gars bien peu aduré aux armes. Il faut savoir qui c’est.
    — Le sénéchal acquiesça et obligea Sidobre à se relever :
    — Allons, mon ami… C’est dur, je sais, de perdre un être cher… Tu es fautif, toi aussi. On t’avait pourtant prévenu… Lâche ton gars. Allons, lâche-le… Il dormira, crois-moi, en bonne compagnie.
    Le maçon obéit, attrapa le sénéchal par les bras et pleura sur son épaule. Et ses sanglots devinrent alors si déchirants qu’Ogier s’éloigna en hâte.
    Longtemps, jusqu’à ce qu’il entrât dans la Mathilde, il entendit dans son dos :
    — C’était mon pitiou, vous comprenez… C’était ma vie… Il me suivait comme un chien…
     
    *
     
    — Tiens, te voilà… Tu sais quand il convient de te mettre à l’abri.
    Couché de tout son long sur le lit, Saladin attendait. Ogier caressa son museau, flatta sa cuisse et s’approcha de Titus immobile sur sa perche. Le faucon l’observait de son petit œil impitoyable, gonflant son jabot tigré de plumettes soyeuses.
    — Tu peux me regarder avec cette fureur… Tu n’es pas près d’être délongé pour voler… Mais je vois qu’on t’a apporté à manger… Qui ? Tancrède ou Adelis ?
    Était-ce le désarroi ou la fatigue ? Le damoiseau trouva son logis misérable. Cinq pas de long, quatre de large, une baie à peine moins exiguë qu’une archère, ouverte sur un pan de rempart et de cour ; deux rayères où parfois des pigeons se nichaient ; un matelas bourré de paille, et crissant au moindre mouvement. Dessus, trois peaux de loups. Il s’assit.
    — Eh… qu’est-ce qui te prend ?… Je te dérange ou tu veux sortir ?
    Il ouvrit sa porte, le chien gémit sur le seuil, flaira les dalles et lui offrit sa patte dans l’espoir d’un « Va » dont il fut privé, car un cri – un cri de femme – et des jurons retentissaient au sommet de la tour.
    — Non, reste. On bataille là-haut… Je préfère y aller seul.
    Contrarié, Saladin réintégra la chambre. Ogier gravit lestement l’escalier.
    Un homme, une femme ; l’homme disait :
    — Mais si, laisse-toi faire !
    La femme devait le repousser :
    — Non !… Partez ou j’appelle à l’aide !
    L’homme, Ogier l’avait reconnu avant même de parvenir sous le sombre entonnoir du toit.
    — Lâche-la, Saint-Rémy !
    Le vieillard lui fit aussitôt face, la main crispée sur la prise de son poignard. Un éclair traversa ses yeux vairons, blancs d’humeur aux commissures :
    — Décidément, damoiseau, tu te mets toujours dans mes jambes.
    La voix d’Ogier se durcit :
    — Hors d’ici ! Guillaume, devant moi, t’a chassé des murailles.
    La femme, livide, avait plié ses bras sur sa poitrine.
    — Ne craignez rien, dame Aliénor…
    Quelque paisible et rassurant qu’il se voulût, Ogier se trouvait dans un état de tension extrême. Tirant son épée, il la pointa sur la poitrine de Saint-Rémy et crut reconnaître dans cette face figée de haine les indices d’une angoisse mal contenue.
    — Vieux porc ! Je pourrais ainsi te pousser hors des murs. En bas, tu ne ferais qu’une charogne de plus.
    À travers la friche des moustaches, la bouche édentée tremblota :
    — Je pars, Argouges… Je dois bien m’y résigner… Un jour tu me paieras le mal que tu m’as fait.
    Le répugnant vieillard dévisagea Ogier, puis Aliénor, et le grognement qu’il émit fut à s’y méprendre celui d’un porc reniflant sa pâtée. Enfin, courbé pour ne pas se heurter aux chevrons croisés au-dessus de lui, il s’éloigna en clochant.
    — Maudit soit ce couillard ! enragea Ogier en rengainant son arme. Puis, s’approchant d’Aliénor :
    — Cet endroit, tout comme les aleoirs, est interdit aux femmes. D’ailleurs, un guetteur devrait s’y trouver…
    Elle fit oui de la tête, d’un air un peu trop solennel, tout en mordant sa lèvre inférieure.
    — Il y en avait un, messire : l’Henri, un maçon. Il a pris une flèche à l’épaule et s’en est allé recevoir des soins. J’en ai profité tandis que Mathilde s’occupait de lui… C’est d’ici qu’on voit le mieux le hameau. Je voulais voir ma maison ou ce qu’il en reste. J’ignorais que ce vieux coquin m’avait suivie.
    Ils se tournèrent vers les ruines, en bas. Atteints par les flammèches du brasier, des arbres avaient flambé. Çà et là, ils levaient au ciel leurs moignons rares et ténébreux.
    — J’ai

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