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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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tordre, à brûler, à s’endarder violemment, les yeux fermés, le front ridé, opiniâtre, inondée par ses efforts, râlant, vibrant et vivant si égoïstement son aventure qu’Ogier regretta de ne s’être pas couché en gisant, elle le surplombant, afin qu’elle donnât libre cours à ses démons sans qu’il intervînt dans sa bacchanale.
    — Ah ! dit-elle. Ah ! là là.
    Elle gluait autour de lui comme sa salive ; elle ruait tandis que son souffle s’embrasait. La paille bruissait sous elle, crépitait… Elle dodinait sa nuque sur son oreiller de cheveux sombres, et il s’accolait à ce corps indomptable sans savoir désormais, de la rancœur ou du désir, ce qui le rivait à lui. Enlacement… Mais de délassement point. Il avait le sentiment d’être sa victime. Elle délirait. Elle disait parfois « plus avant » ou « encore », exigeait, implorait, tandis qu’il s’efforçait d’approfondir son étreinte. Il ne lui faisait plus l’amour mais, consciencieux et lucide, la charité.
    Il devina qu’elle arrivait au gouffre où il eût aimé la conduire.
    Elle y bondit d’un grand ahan palpitant, s’y enfonça tout en accompagnant sa chute d’un cri de victoire et d’orgueil, suivi d’un rire d’époumonée.
    — J’ignorais, messire, que c’était comme une mort violente.
    Elle n’eût pas dû parler. Il avait dominé ses marées intérieures. Elles devenaient tempétueuses, et ç’allait être l’équinoxe. Elle le savait mais continuait de s’agiter en grognant :
    — Vas-y, damoiseau… Tu ne peux te perdre en chemin !
    Était-ce ainsi qu’on procédait chez les manants et les vilains ? Déçu, accroché à cette nudité fébrile dont la tête brimbalait comme si le cou en avait été disjoint, Ogier continua de jouer des reins, suant sous ses mailles et sentant sans émoi poindre un plaisir douceâtre.
    Il s’empoissait, s’empressait, montant et descendant dans les épaisseurs désormais engourdies, mais le cœur d’Aliénor, contre sa poitrine, battait toujours avec la même violence acharnée.
    Il se sentit traversé des frénésies habituelles, serra plus fort cette niaise ensevelie dans une béatitude déjà plus légère, ternissante, mais qui tout à coup frémissait et se retrémoussait.
    — Va, va !… Foi d’Aliénor, je t’épargnerai toute peine.
    Il se répandit en un spasme maussade, voulut se dépêtrer du corps énamouré, moite comme au sortir d’une étuve, se laissa renverser dans un froissement de paille et de mailles sans parvenir à s’en extraire.
    — J’aimerais recommencer.
    Il n’en avait aucune envie. Ce soir, demain, après-demain ? Sans doute, car connaissant l’impétuosité et les usages de cette affamée, il s’en défierait et lui imposerait les siens.
    — Approfondissez-vous, messire. Je suis vôtre et ne vous ferai nul bâtard.
    Savait-elle aussi, pour Anne ? Elle ajouta dans un gros soupir de jubilation :
    — Je suis bréhaigne.
    Il s’en arracha sans trop de brusquerie. Son haubert retomba.
    Il rajustait ses braies quand Aliénor le saisit par sa ceinture et tenta de le faire choir sur le lit :
    — Viens… Viens.
    Il se dégagea fermement.
    — Bon sang, ce n’est pas l’amour que tu fais. C’est la guerre.
    — Oh ! méchant.
    À plat ventre en travers de la couche, sa tête posée sur sa crinière comme sur une gerbe noire, Aliénor pleura tout à coup à sanglots enfantins. Un rai de lumière tombant de la fenêtre touchait ses fesses, accentuant leur volume, leur balafre ténébreuse, leur matité presque minérale.
    — Allons, ne soit pas sotte !
    Il s’assit au pied du lit et, sans la toucher, par crainte de ranimer les cendres assoupies :
    — Les larmes n’ont jamais rien arrangé… Tu vas te rhabiller et quitter la Mathilde avant moi… Mais cette nuit, si tu veux dormir sans crainte, tu n’auras qu’à revenir.
    Il songeait : « Moi, je veillerai aux créneaux. » Elle frotta ses yeux d’un revers de main et sourit :
    — C’est vrai ?
    Il n’eut pas à répondre. Saladin aboyait : on toquait à la porte.
    — C’est moi, Ogier… Es-tu là ?… On t’attend pour dîner…
    Midi, sans doute. Comme le temps passait. Il ne répondit pas. Soudain, il frissonnait d’inquiétude. Trouvant étrange la présence du chien à l’extérieur, Tancrède insista :
    — Ouvre !… Je suis venue aussi pour te rappeler ce que je t’ai dit à l’écurie… Souviens-toi de

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