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Le granit et le feu

Le granit et le feu

Titel: Le granit et le feu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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voilà déjà dans mon fossé.
    — Cette fois, messire, dit Girard au retour d’une brève inspection, c’est le grand chaud [41]  : ils nous affrontent de partout… Ils ont formé une tortue devant la tour sud. Nos boulets et nos rocs ne les en ont pas délogés. Ils doivent être une vingtaine. C’est sûr qu’ils veulent trouer la muraille.
    — Reste là, Girard, exigea Guillaume. Toi, Hugues, et Ogier, suivez-moi.
    Thierry Champartel, très excité, se trouvait là-bas, en compagnie d’une demi-douzaine d’archers.
    — Ils vont creuser notre tour à sa base. Que faut-il que nous fassions, messire ?
    Sicart de Lordat apparut.
    — Tiens ! s’exclama le baron d’autant plus railleur qu’il tenait à dissimuler son inquiétude. On vous voit peu… Que faites-vous céans, vêtu en bourgeois, mais coiffé comme tous mes hommes… sauf mon neveu ?
    — Ce gros hu [42] m’a contraint de quitter une chambre où j’œuvre encore pour vous, messire, en dépit des apparences…
    — Eh bien, courbez-vous… Voyez cette tortue et dites-moi ce que vous en pensez… Il fera bientôt nuit mais on y voit encore.
    L’architecte posa contre un merlon sa verge de mesure, enfonça posément sa tête dans son heaume d’emprunt et, retenu d’une main par Ogier, se pencha au-dessus du vide. Quand il se redressa, son visage n’exprimait aucun souci.
    — Ils sont trop peu pour ébranler ce mur… Il est composé de pierre et de granit… Le fruit est dur comme fer… Vous pouvez, messire baron, laisser tous ces haveurs à l’ouvrage. Mais à quoi bon les accabler d’huile ou de boulets ? Mieux vaut les employer sur d’autres. Car vous verrez : bientôt, d’eux-mêmes, ils renonceront, n’ayant pas avancé d’un pouce.
    Et, récupérant son bâton couvert d’entailles, pareil à une crosse pastorale, l’architecte redescendit dans la haute cour.
    — Quel homme ! soupira Guillaume. Que peut-il préparer dans sa chambre ?
    — On verra bien, dit Blanquefort. Retournons aux tours portières et toi, Thierry, veille au grain !
    Ogier, son oncle et le sénéchal revinrent au châtelet d’entrée. Un homme gémissait en travers du chemin de ronde : Chastagnol. Le portier se mourait, une flèche dans la poitrine. Un autre combattant gisait, la face au sol, un carreau dans le dos. Son sang sinuait comme un long ver de terre.
    — C’est Benoît, dit Jean.
    Un de ceux qui portaient les pigeons à Gratot.
    — Tiens, dit Guillaume, voyez : Laurière est touché.
    Un charpentier passa, soutenant de sa main engluée son coude vermillonné. Lorsqu’il le lâcha, pris d’une défaillance, Ogier vit que l’avant-bras tenait à peine par des nerfs et des tendons. Il faudrait l’amputer. Griveau étant mort, Mathilde allait devoir s’en charger.
    Se faufilant entre les jambes des archers, le damoiseau rampa jusqu’aux mâchicoulis. Par l’ouverture de l’un d’eux, il vit le fossé grouillant, et comme un tas de pierres se trouvait là, il se pencha pour en saisir une et la lâcher dans le vide.
    Une sagette siffla, proche de sa tempe, et vola dans le fossé.
    — Merdaille !… On m’a tiré dessus… Un des nôtres… C’est ainsi que Raoul est mort.
    Il se retourna et ne remarqua rien d’anormal. Prenant la pierre à deux mains, il la laissa tomber. Il en poussa une autre, une autre encore. Le tas tout entier y passa. Alors, seulement, il regarda.
    Des hommes se convulsaient. L’un d’eux serrait dans ses mains sa tête rouge. « Saligot, je suis sûr que tu as la migraine ! » Des gargouillis pullulaient, s’agglutinaient en une éruption de plaintes gluantes, entrecoupée par les claquements des échelles frappant la muraille.
    — On a beau dire : pour le moment, on les tient !
    Ogier fut à peine étonné de trouver Guillaume à son côté.
    — Mais pourvu que l’autre réussisse, ajouta le baron.
    Sa voix tremblait entre ses mâchoires serrées. Inquiétude ? Espoir ? En tout cas, c’était sa première allusion à Bressolles.
    — Mon oncle, il faut maintenant révéler à tous nos compagnons, s’ils ne le savent ou ne s’en doutent, que Girbert essaie de nous sauver.
    — Je l’ai fait en ton absence.
    C’était un reproche implicite. D’une reptation prudente, Guillaume recula. Et comme il s’éloignait à douloureuses torsions d’échine, Ogier, tout en l’imitant, demanda :
    — Votre plaie ?
    — Hein ?… Va plutôt voir où ils essaient de forer

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