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Le Gué du diable

Le Gué du diable

Titel: Le Gué du diable Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marc Paillet
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plein banquet, en présence d’un représentant de l’empereur, des insanités pareilles, des infamies sur des Nibelung ?
    — Sur qui que ce soit, c’est difficilement tolérable.
    — Mais quel nom as-tu dit concernant l’insulteur ?
    — Wadalde.
    — Wadalde… Wadalde… cela me dit quelque chose, ponctua Childebrand, songeur. Bien, bien… Mais pour revenir à l’affaire, ce qui me paraît le plus incroyable, c’est que ce… Wadalde s’en soit pris à Frébald… Ses campagnes d’Aquitaine, au côté de Pépin, qui ne s’en souvient…
    — Renommée mise à part, connais-tu bien Frébald ?
    — Je connais surtout ses fils, l’aîné Bernard et les deux jumeaux Théobald et Héribert qui sont nettement plus jeunes que moi. Il nous est arrivé de combattre côte à côte en Saxe. Je les connais pour être de rudes gaillards, fiers de leur race, et certainement peu enclins à la plaisanterie sur le chapitre de l’honneur. C’est pourquoi, quand ils apprendront les calomnies déversées sur leur père et leur mère à la table des Gérold…
    — Et que crains-tu ? demanda Erwin.
    — Ami, on peut craindre le pire. La gloire d’un père, l’honneur d’une mère, cela fait beaucoup.
    — Sans nul doute, cela fait beaucoup. Et deux choses m’intriguent : d’abord ces querelles concernant les domaines, et apparemment hors de saison ; Isembard, cependant, n’a pas improvisé : quoique je lui eusse clairement montré ma réprobation, il a mené son attaque jusqu’au bout.
    — Querelles d’intérêts, querelles acharnées, ne l’avons-nous pas constaté cent fois ?
    — Certes, mais pourquoi, en l’occurrence ? En second lieu, pour quelles raisons Wadalde s’en est-il pris, et avec cette véhémence, à Frébald et à Adelinde ? Je veux bien croire qu’il était ivre… Mais quand même…
    — Querelles acharnées et haines recuites, ajouta le comte. Mais, c’est égal, si je n’étais pas tenu par les devoirs d’un missus dominicus, je lui montrerais, moi, à ce Wadalde de quel bois se chauffe un Nibelung.
    — Mais voilà, ami, tu y es tenu comme moi, et, parmi ces devoirs, figure cette visite que nous devons faire demain, au domaine d’Escamps, auprès de Frébald et des siens.
    Le comte Childebrand fit la moue :
    — Visite en partie familiale pour moi, mais placée sous de bien mauvais auspices, dit-il.
    — Instructive pourtant, je gage.
     
    L’abbé saxon Erwin, que rien ne semblait pouvoir troubler, apparut à Childebrand comme désemparé quand celui-ci se présenta au matin chez son ami afin qu’ils puissent se rendre ensemble à Escamps, lieu de résidence des Nibelung d’Auxerre. Le Saxon montra au comte une lettre qu’il venait de recevoir d’Alcuin, et dans laquelle ce dernier s’avouait malade, amaigri, affaibli, et se disait à la dernière extrémité.
    Ce conseiller et ami de Charlemagne, cet homme d’action, ce sage, qui avait conduit avec ferveur et ténacité cette renaissance qui faisait fleurir à nouveau les arts et les lettres, s’était épuisé à la tâche et s’y était usé les yeux. « Oh ! ne crois pas, écrivait-il, que j’en éprouve en l’état où je me trouve tristesse et amertume ! Car Dieu m’a certainement ôté la vue des choses terrestres afin que je puisse apercevoir cette Cité céleste que saint Augustin a célébrée. Ainsi, je puis préparer mon corps à une mort prochaine et mon âme au jugement de Dieu. Encore et encore, je me fais relire les textes sacrés – car j’ai commis péchés tant et tant – pour y soutenir mon espérance en implorant miséricorde. »
    Cependant, dans cette lettre, Alcuin, soucieux de la pérennité de son œuvre, adjurait Erwin et Childebrand de ne ménager ni leur temps ni leur peine pour la préserver et renforcer. « Que soit constamment présent à votre esprit et dans vos actes, ordonnait-il, le service de ce souverain qui, non content de ranimer la gloire de Rome, est parvenu à fonder un empire, indestructible celui-ci, car fondé sur les piliers de notre foi ! »
    Erwin posa la lettre devant lui, et Childebrand, non sans étonnement, l’entendit prononcer ces mots :
    — Voici donc cette flamme, vacillante, près de s’éteindre ! Ah ! combien vive a été sa clarté ! Combien amère sera l’obscurité !
    — Une telle lumière pourrait-elle ne plus briller ?
    L’abbé saxon le regarda.
    — En vérité, j’ai grande peine au cœur, mon ami,

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