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Le guérisseur et la mort

Le guérisseur et la mort

Titel: Le guérisseur et la mort Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Caroline Roe
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l’évêque. Il approcha l’oreille de la poitrine du malade et écouta. Il posa délicatement la main sur son front, secoua la tête et réfléchit un instant.
    — Yusuf, murmura-t-il enfin.
    Un mouvement, le craquement d’un siège, puis une voix.
    — Oui, seigneur ?
    — Ah, tu es là.
    — Pardon, seigneur, je m’étais assoupi.
    — Peu importe puisque j’étais là, mais je voudrais que tu t’approches et que tu l’examines.
    — Oui, seigneur, dit le garçon obéissant. Il est très paisible, seigneur, bien plus qu’il ne l’était, et…
    — Ses yeux, Yusuf, est-ce qu’ils sont caves ?
    — Ils ne sont pas comme à l’ordinaire.
    — Raquel s’inquiétait. J’aurais dû l’écouter. Réveille Jordi. Il est quelque part derrière cette tenture.
    — Je la vois, seigneur.
    Jordi traversa la pièce à pas feutrés.
    — Vous m’avez demandé, maître Isaac ?
    — Excuse-moi de te déranger, Jordi, mais nous allons peut-être avoir besoin de toi. Yusuf, envoie quelqu’un chercher Raquel. N’y va pas toi-même.
    — Oui, seigneur.
    — Il faut le réveiller et le faire boire. Ce sera mieux s’il est en position assise. Nous allons commencer par cette décoction à base de plantes qui devrait se trouver par ici.
    Yusuf alla chercher la coupe tandis que Jordi s’efforçait de redresser son maître.
    — Il faut lui humecter les lèvres de ce liquide, expliqua Isaac. Tends-moi la coupe et guide ma main vers sa lèvre inférieure.
    Isaac inséra doucement le rebord de métal entre les dents de l’évêque afin qu’un peu de liquide lui coulât dans la bouche. Ensuite, il rendit la coupe à Yusuf, referma la bouche de Berenguer et lui palpa la gorge.
    — Il a avalé, conclut le médecin.
    — Je m’en occupe, papa, dit Raquel qui entrait précipitamment dans la pièce. Je n’aurais pas dû aller me coucher.
    Elle répéta les gestes de son père.
    — Tu sais, ma chérie, tu te fais des reproches, mais cela n’aurait rien changé : tes craintes étaient fondées. J’étais là, et nous avons perdu peu de temps. Il faut lui administrer quelque chose de plus fort contre la douleur : moins d’eau qu’à l’ordinaire, une petite cuillère de vin, beaucoup de sucre. Le remède doit être plus puissant, mais en aucun cas plus amer ou plus corrosif. Deux gouttes, cette fois-ci, et il faut qu’il boive tout. S’il n’éprouve aucune douleur à la gorge, il pourra avaler autre chose. Cela calmera également son estomac et mettra un terme aux reflux.
    Pendant le reste de la journée et toute la nuit suivante, ils s’affairèrent pour empêcher l’évêque de mourir de soif et de déshydratation. Aux heures les plus sombres de la nuit, entre laudes et prime, Raquel veilla sur lui, luttant constamment contre une fatigue si intense qu’elle ne croyait pas être capable de rester éveillée. Ses bras et ses jambes étaient lourds et elle ne leur commandait plus ; ses yeux étaient irrités et sa tête lui semblait emplie d’une matière laineuse qui asséchait sa bouche et annihilait toute pensée rationnelle. Elle se leva, se rafraîchit le visage et entreprit de faire les cent pas dans la chambre pour rester éveillée. Leah s’était assoupie sur une chaise. Elle ronflait doucement au point de couvrir le souffle douloureux de l’évêque. Le silence régnait dans le reste du château. La pluie s’était arrêtée au cours de l’après-midi et Raquel se rendit compte que le vent était tombé. Elle se glissa derrière les lourdes tentures accrochées devant la fenêtre. De timides rayons de lune se frayaient un chemin à travers les volets. Elle les entrouvrit pour respirer quelques bouffées d’air frais.
    Les étoiles étaient disséminées dans la noirceur des cieux comme de pâles graines jetées à grosses poignées dans un champ par un paysan insouciant. Leur éclat discret permit à Raquel de distinguer l’horizon. De l’autre côté de la plaine se dressait aussi une colline. Les deux sommets firent à Raquel l’effet de deux amants au désespoir, séparés par une courte distance, mais séparés tout de même, et ce à tout jamais. Au sommet de la colline, elle put voir la forme trapue d’une bâtisse. À travers l’une de ses fenêtres, elle apercevait la chaude lueur d’une unique chandelle. Elle fut tentée de se pencher au-dehors et d’appeler cette personne inconnue qui, comme elle, veillait au plus profond de la nuit, et elle n’eût pas

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