Le Huitième Péché
confrérie.
— Et quelle découverte spectaculaire Murath a-t-il faite ? demanda Malberg, mal à l’aise.
— Le docteur Dulazek va vous l’expliquer ; il s’y connaît mieux que moi, dit Gruna.
Dulazek avait suivi les explications de son ami sans broncher. Il fixait maintenant Malberg dans les yeux, comme s’il voulait s’assurer que celui-ci était bien prêt à écouter ses paroles. Il finit par dire avec gravité, presque avec componction :
— Murath a découvert le gène de la foi.
— Le gène de la foi ? Pardonnez-moi, mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire.
— Je vais essayer de vous l’expliquer simplement : depuis des millénaires, depuis le début de l’histoire de l’humanité, l’homme a cru à une ou plusieurs divinités. Le nom qu’il donne à son Dieu importe peu : Zeus, Jupiter, Jésus, Bouddha ou Allah. Voilà bien déjà quelque chose de surprenant en soi. Au début des années 1990, lorsque la biologie moléculaire a connu ses premières heures de gloire, des scientifiques ont formulé l’hypothèse selon laquelle la foi serait inscrite dans le génotype de l’homme. Si l’homme se prosterne devant une statue de bois ou pose son front sur le tapis d’une mosquée, c’est parce qu’il est porteur du gène de la foi. Cela dit, isoler le gène responsable parmi les trente mille gènes existant revenait à chercher une aiguille dans une botte de foin. Jusqu’à ce jour, personne ne sait comment Murath a réussi à l’isoler. Mais le fait est qu’il a réussi à trouver le gène de la foi dans l’acide désoxyribonucléique.
— Intéressant, remarqua Malberg du bout des lèvres.
— Ce gène, poursuivit Dulazek, se transmet comme toutes les informations génétiques, de génération en génération. Ce qui signifie que l’homme est prédisposé génétiquement à la religion. Cela explique qu’il ait construit, en cinq mille ans, les plus belles pyramides, les plus beaux temples, les plus belles églises et mosquées qui soient. Mais la découverte de Murath a aussi ceci de fascinant…
Malberg hocha la tête. Il imaginait où Dulazek voulait en venir.
— Les gènes peuvent être manipulés. J’ai lu le compte rendu d’un neurobiologiste sur les expériences qu’il avait effectuées sur des souris. Après la manipulation génétique, les animaux étaient devenus monogames, ce qui est absolument contre-nature.
— Le gène de la foi pourrait donc subir les mêmes manipulations. Et vous savez ce que cela signifierait : les recherches de Murath pourraient aboutir à ce que toute croyance en Dieu soit étouffée dans l’œuf. La foi en un Dieu serait d’emblée éliminée.
— Mon Dieu ! s’exclama Malberg sans le vouloir. Combien de temps faudrait-il pour que plus personne ne croie en Dieu sur cette terre ?
Dulazek haussa les épaules.
— Quelques générations. Et nos temples, nos églises et nos mosquées ne seraient plus que les vestiges d’une époque où le gène de la foi était encore inconnu.
— Je n’aimerais pas être dans la peau de Murath, remarqua Malberg en faisant une grimace. Le diable n’aurait pas été capable de forger un plan plus perfide que celui-ci.
— Pourquoi croyez-vous qu’il s’est réfugié au château de Layenfels ? Nombreux sont ceux qui préféreraient le savoir mort plutôt que vivant. Autrefois, Murath sillonnait le monde entier. Il appartenait à cette espèce de scientifiques qu’on appelle dans les milieux initiés les « messieurs call-girls ». Des chercheurs qui se rendent sur invitation de congrès en congrès, où ils sont acclamés comme des stars du showbiz. Mais le spectacle est terminé. Murath vit à Layenfels sa propre vie, qui n’a rien à voir avec celle des autres membres de la confrérie.
Malberg commençait lentement à rassembler les pièces du puzzle. Murath avait de toute évidence des ennemis au sein même de la forteresse.
— Mais il y a encore une difficulté, reprit Gruna en rompant le silence. Pour manipuler le gène de la foi, Murath a besoin d’un ADN qui ne contienne pas ce gène ; et c’est là le côté le plus délicat de l’opération. En effet, en supposant que son hypothèse soit juste, tout homme porte en lui, selon les lois sur l’hérédité de Mendel, le gène de la foi. Aujourd’hui, seul le linceul de Turin porte encore des traces de l’ADN de Jésus de Nazareth. (Gruna se mit à rire.) Pourquoi croyez-vous que le Vatican a
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