Le Huitième Péché
se mit au travail, déjà découragé, presque désespéré. C’était compliqué, mais il progressait plus vite qu’il ne l’avait craint.
Quinze minutes plus tard, les premiers mots du livre de Mendel s’esquissaient pour donner cette phrase :
Quand les mille ans seront accomplis…
Quand les mille ans seront accomplis ? Il avait l’impression de connaître ce texte. Malberg poursuivit fébrilement sa transcription :
Quand les mille ans seront accomplis,
Satan sera relâché de sa prison.
Malberg sauta sur ses pieds. Il ne s’était pas trompé. Il s’agissait bien de la phrase de l’Apocalypse, chapitre 20, verset 7.
Lukas resta de longues minutes immobile, comme pétrifié. Il essayait désespérément de rechercher dans sa tête le lien entre la phrase et le mot de passe de la confrérie. Il faisait très froid à l’intérieur de la vieille forteresse, mais Malberg transpirait à grosses gouttes.
Il y eut un bruit, comme si un livre venait de tomber d’une étagère. Mais Malberg était bien trop absorbé par son travail pour prêter attention à ce qui se passait autour de lui. Pourtant, tout à coup, une silhouette se dressa devant lui sans qu’il comprenne d’où elle pouvait venir : l’homme à l’allure fière avait les cheveux gris et clairsemés. Portant sous le bras gauche une pile de livres et de dossiers, il passa devant Malberg sans lui accorder le moindre regard.
Lorsqu’il eut presque atteint la porte, il se retourna et lança à l’adresse du bouquiniste :
— Murath, professeur Richard Murath. Vous avez certainement déjà entendu parler de moi. Vous êtes le nouveau cryptologue ?
Malberg se leva et répondit :
— Andreas Walter. Le titre de cryptologue me paraît un peu exagéré. Durant mes études de bibliothécaire, je me suis intéressé au livre de Mendel qui avait disparu.
— Et vous pensez être assez qualifié pour décrypter ce sabir ? demanda Murath en toisant son interlocuteur.
— C’est ce que l’avenir nous dira.
Le professeur dévisagea Malberg en plissant les paupières.
— Si vous menez votre tâche à bien, finit-il par dire, et si Mendel ne nous a pas menés par le bout du nez, vous aurez gagné un peu d’immortalité en apportant votre contribution aux travaux du biologiste Richard Murath.
— Ce serait un plaisir pour moi, répliqua Malberg sur un ton franchement ironique.
Murath ne broncha pas.
— Inutile de vous dire, poursuivit-il, que vous n’êtes pas autorisé à consulter les dossiers noirs et les manuscrits portant la croix runique rouge. Comme vous l’avez remarqué, il n’y a dans le château ni clés ni serrures, donc, logiquement, pas de coffres-forts. Le respect des autres exige une discrétion absolue. J’attends de vous la plus grande circonspection. Je vous interdis formellement de jeter ne serait-ce qu’un regard sur mes recherches. Vous m’avez bien compris.
L’arrogance de Murath déplaisait fortement à Malberg, qui fut heureux de le voir disparaître. Il se pencha sur le livre de Mendel et reprit son travail. Mais il n’arrivait pas à se défaire de l’idée qu’il avait déjà vu ce Murath quelque part.
58
L e lendemain matin, un roulement de tonnerre dans le lointain réveilla Malberg. À l’ouest du Rhin, au-dessus de la forêt de Soon, l’orage approchait.
Lukas ne s’était couché qu’aux environs de 4 h du matin. Il composa le 9 pour commander un petit-déjeuner. Peu de temps après, un jeune membre de la confrérie entra et déposa un plateau devant lui.
— Gruna et le docteur Dulazek vous attendent vers dix heures en haut du donjon, dit-il en déposant le plateau devant Malberg.
Une curieuse manière de communiquer, se dit Malberg.
Mais à présent, il savait au moins comment on procédait ici pour s’entretenir sans risquer d’être écouté. Il jeta un coup d’œil à sa montre. Il lui restait dix minutes pour prendre son petit-déjeuner. Il avala deux petits pains mous avec du miel et de la confiture. Le café, en revanche, était délicieux. Puis il se mit en route. Le gros donjon carré dominait de ses trois étages les six niveaux de la forteresse. On n’accédait au sommet hérissé de créneaux qu’en empruntant des volées de marches en bois qui s’élevaient en zigzaguant jusqu’au haut de l’édifice. Pour atteindre le sommet de la tour, il devait bien y avoir cent trente marches. Il fallait une bonne condition physique pour parvenir à la
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