Le Huitième Péché
bien ça !
— La marquise a tué Marlène. Mon Dieu !
— Signore , qu’est-ce que vous me racontez là ? Je viens d’appeler mon indic de la garde civile. Il m’a affirmé qu’il existait des preuves accablantes contre Lorenza Falconieri. Depuis la mort de son mari, elle serait à la tête d’un gang international de receleurs spécialisés dans le commerce de codex et d’incunables volés.
— La marquise ? s’étonna Malberg qui parut plus amusé que surpris. Elle m’a assuré qu’elle n’y connaissait absolument rien dans ce domaine. Et elle ne donnait vraiment pas l’impression de mentir en disant cela.
— C’est à cela qu’on reconnaît les professionnels du crime. Les assassins ont rarement des têtes d’assassins. Et les receleurs, qui brassent des millions, se plaisent à donner d’eux l’image de personnes nécessiteuses. On voit bien que vous ne connaissez pas ces milieux.
Pendant qu’ils discutaient, la marquise sortait de l’immeuble délabré, encadrée par deux carabiniers. Elle portait un tailleur de lin clair à manches courtes et des sandalettes à talons hauts.
En apercevant Malberg, elle s’immobilisa un instant, haussa les épaules en inclinant la tête sur le côté comme pour dire : « Désolée, mais nous ne ferons pas affaire ensemble. » Puis elle monta dans le véhicule de police qui attendait.
— C’est un collectionneur résidant à Monte-Carlo qui a levé le lièvre, remarqua Caterina tandis qu’elle regardait la voiture des carabiniers s’éloigner. La marquise lui a proposé un très vieux volume portant des annotations du réformateur Melanchthon pour la modique somme d’un demi-million. Ce qu’elle ignorait, c’est que l’ouvrage avait justement été volé dans l’appartement de ce dernier, deux ans auparavant. Manque de chance.
Malberg partit d’un rire tonitruant, comme pour sortir d’un cauchemar. Devant le regard perplexe de Caterina, il glissa la main dans la poche intérieure de sa veste, en sortit le chèque de banque qu’il tint du bout des doigts sous le nez de la journaliste.
— Deux cent cinquante mille euros ? Mais… vous n’aviez quand même pas l’intention de… ?
— Si ! Et je pensais faire l’affaire du siècle. Toujours est-il qu’une étrange providence vient de me sauver de la faillite.
— Alors, bravo d’avoir loupé le coche au dernier moment !
— Oui, fit Malberg en secouant la tête. Je ne comprends même pas comment j’ai pu y croire. J’aurais dû me méfier lorsqu’elle m’a proposé l’ensemble pour deux cent cinquante mille euros. Mais l’appât du gain m’a aveuglé. Dieu soit loué, je m’en suis encore bien sorti.
Malberg était tout à ses pensées lorsque la journaliste lui posa tout à coup une question :
— Pensez-vous qu’il puisse y avoir un lien entre le meurtre perpétré sur Marlène Ammer et les affaires louches de la marquise ? Les deux femmes se connaissaient, n’est-ce pas ?
— C’est vrai, concéda Malberg. Ce ne serait pas le premier meurtre perpétré à cause d’un livre précieux.
11
Une jeune fille svelte et gracieuse faisait son jogging sur la promenade du Rhin, à Cologne. Sa queue de cheval se balançait joyeusement au rythme de ses foulées. Une agréable fraîcheur montait du fleuve qui coulait paresseusement dans la lumière du petit matin.
La jeune fille s’arrêtait fréquemment pour se retourner en criant : « Shakespeare ! Shakespeare ! »
Émergeant de quelque recoin, une boule de poils blancs, un mignon petit westie, se lançait alors à la poursuite de sa maîtresse qui avait repris sa course.
De façon singulière, les femmes aiment donner à leurs chiens des noms de grands poètes ou de grands artistes.
Un phénomène qui conserve autant de mystère que l’Apocalypse de saint Jean…
Arrivé à la hauteur de l’embarcadère de la compagnie de croisières Cologne-Düsseldorf, Shakespeare poussa de furieux aboiements, comme si une douzaine de rottweilers enragés étaient à ses trousses.
La jeune fille tenta en vain de rassurer la petite bête, elle l’appela, revint sur ses pas, et c’est alors qu’elle fit une macabre découverte.
Pendant la nuit, le Rhin avait charrié le cadavre d’un homme nu, qui avait échoué entre les piliers de l’embarcadère. Il flottait en surface, à plat ventre, les bras étendus en croix.
Ce cadavre de sexe masculin donna du fil à retordre à la police de
Weitere Kostenlose Bücher