Le Huitième Péché
d’années. On évoque avant tout des anecdotes et des souvenirs. Malberg se reprochait maintenant ce manque d’attention.
La sieste, plus longue dans le Trastevere que dans les autres quartiers de Rome, touchait à sa fin. Les rues s’animaient : des enfants criaient, les rideaux de fer des petites boutiques se relevaient, on s’interpellait du haut des étages des immeubles.
Malberg, qui était resté silencieux durant de longues minutes, se tourna vers Barbieri.
— Je sais que vous allez penser que je prends des risques, mais il faut absolument que je retourne dans l’immeuble où vivait Marlène. On a muré son appartement, on a fait croire qu’elle n’avait jamais vécu à cet endroit. Il y a certainement une raison à cela. Sur place, je trouverai peut-être un indice…
— Muré, avez-vous dit ? Vous comptez vous munir d’un marteau-piqueur ? Et que pensez-vous trouver dans un appartement vide ? Croyez-moi, vous feriez mieux de ne pas prendre ce risque inutile.
Barbieri se saisit du journal de Malberg et griffonna un numéro de téléphone sur le bord d’une page.
— En cas d’urgence. Au cas où vous auriez besoin de moi.
18
Peu avant minuit, dans le château de Layenfels, une fenêtre s’entrouvrit sans que personne ne le remarquât. Peu de temps après, une flèche à pointe métallique apparut dans l’embrasure. Elle était dirigée vers le bas, directement sur le toit du bâtiment situé à la perpendiculaire. Presque sans bruit, la flèche fendit l’air baigné dans un pâle clair de lune, et toucha, en un éclair, une petite silhouette posée dans la gouttière. La petite chose émit un cri avant de s’écraser sur le pavé, trois étages plus bas. Silence.
Environ dix minutes plus tard, l’hématologue Ulf Gruna et le spécialiste en biologie cellulaire, le professeur Dulazek, sortirent dans la cour du château par une porte en ogive. Dulazek portait une boîte d’herboriste d’une trentaine centimètres de long et d’une dizaine de centimètres de haut.
— J’ignorais que vous étiez un tireur émérite, murmura Dulazek tout en scrutant la cour intérieure, une main au-dessus des yeux.
— Cela remonte déjà à quelques années, répondit Gruna en chuchotant. Pendant mes études en Angleterre, j’ai fait partie d’un club de tir à l’arc. Nous nous entraînions deux fois par semaine et, depuis, je n’ai jamais cessé de m’exercer.
— Une flèche comme celle-ci n’est pas inoffensive !
— Exact. Il faut pourtant préciser que ce n’est pas tant la flèche qui est déterminante, que l’arc. Avec un bon arc bien bandé, vous pouvez sans problème tuer une personne à une distance de deux cents mètres.
— Et sans faire le moindre bruit !
— De surcroît. Et contrairement à une arme à feu. Là ! s’exclama-t-il en montrant du doigt un coin reculé de la cour.
La flèche de Gruna avait transpercé un pigeon qui était couché dans la gouttière.
Dulazek ouvrit la boîte d’aluminium, en sortit une pipette en verre enveloppée dans un linge blanc et un scalpel, avant de tendre le récipient vide à Gruna. Celui-ci souleva le pigeon au bout de la flèche et le mit dans la boîte.
— Nous devons faire vite, chuchota Ulf Gruna, qui néanmoins ne se départait pas de son calme.
Dulazek acquiesça.
À la lueur d’une torche électrique, ils gravirent l’étroit escalier en colimaçon qui menait au laboratoire d’hématologie, situé en deuxième position dans l’enfilade de pièces. Gruna avait tout préparé.
Il obtura la seule fenêtre qui donnait sur la cour du château et alluma la lumière. L’éclat vif des néons les éblouit.
À l’aide du scalpel, le professeur Dulazek coupa la tête de l’oiseau. Gruna recueillit dans une pipette le sang qui coulait. Le flot se tarit juste au moment où la pipette était pleine.
— Cela devrait suffire, constata Gruna avec satisfaction.
Il replaça la tête et le corps du pigeon dans la boîte métallique, éteignit la lumière et releva le store opaque.
Dulazek retint Gruna par le bras.
— J’ai l’impression d’avoir entendu des pas.
— Au milieu de la nuit ?
— Vous savez bien qu’Eric Van de Beek, tout comme Anicet, travaille la nuit. Mais je n’ai jamais vu de lumière à cette heure-ci.
Ils tendirent l’oreille dans l’obscurité pendant un moment. Puis le professeur Dulazek secoua la tête.
— Venez, nous n’avons pas beaucoup de temps.
Le
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