Le Huitième Péché
entrer dans l’immeuble et pénétrer dans le grenier sans être vu ? Malberg était bien incapable de répondre à cette question. Ce qu’il savait néanmoins avec certitude, c’était qu’il ne devait pas être pris sur le fait et qu’il ne devait prendre aucun risque.
Caterina se faisait attendre. Comme Malberg n’avait pas très envie de se retrouver en tête-à-tête avec Paolo, qui ne tarderait sûrement pas à rentrer, il sortit, s’acheta un journal et s’assit à la terrasse d’une petite trattoria, à l’ombre du store.
Il feuilletait sans grand enthousiasme les différentes rubriques de la gazette tout en sirotant un campari lorsqu’il se sentit tout à coup observé. Un type d’âge moyen, le visage basané et les cheveux gris coupés court, le dévisageait avec insistance en plissant les yeux. Il était du genre un peu négligé et buvait un macchiato après l’autre.
Malberg trouvait suspect cet inconnu, bien qu’il n’eût au demeurant rien d’antipathique. Il faut dire que ses nerfs étaient à vif avec tout ce qu’il avait vécu ces derniers jours, et qu’il devait s’attendre à ce que la police ne fût pas la seule à le rechercher. Il fit un geste nonchalant à l’adresse du serveur et paya. Il s’apprêtait à partir lorsque l’inconnu se leva et s’approcha de lui.
— Scusi, signore , dit l’homme en s’asseyant en face de lui. Je ne veux pas vous importuner.
— Nous nous connaissons ? demanda Malberg d’un air délibérément dégagé.
L’inconnu lui tendit la main par-dessus la table.
— Je m’appelle Giacopo Barbieri. Vous êtes allemand ?
— Oui. Pourquoi cette question ?
— Vous parlez bien italien. Vous vivez depuis longtemps ici ?
Malberg secoua la tête.
— Je suis ici pour affaires.
— Je vois.
— En quoi cela vous regarde-t-il ?
— Pardonnez-moi, vous avez raison. Je devrais plutôt me présenter. Je suis détective privé. Ou bonne à tout faire, ou homme de peine, comme il vous plaira. Il y a un an encore, j’étais policier, plus ou moins bien payé. Et, un jour, j’ai fait une bêtise. Ou plutôt, je me suis fait pincer alors que je commettais cette bêtise. Au temps pour moi. Toujours est-il que j’ai été viré du jour au lendemain. Depuis, je survis grâce à des petits boulots. Et vous ?
— Je suis ici pour acheter des livres. En Allemagne, les deux tiers des livres anciens sont partis en fumée lors de la dernière guerre. Le comble pour un pays qui a vu naître l’imprimerie ! Rome a largement été épargnée par les bombes, et ses innombrables églises et cloîtres recèlent en tout cas plus de livres et de bibliothèques que n’importe quelle autre ville.
— Mais les livres que vous recherchez ne se trouvent certainement pas sur les marchés aux puces ? dit l’homme avec un sourire en coin.
— Exact. Vous savez, c’est une question de relations. Dans mon métier, on ne survit que grâce à ses contacts. Mais pourquoi voulez-vous savoir tout cela ?
— Parce que cela m’intéresse. Et que je pourrais peut-être même vous être utile, signor Malberg.
Malberg tressaillit. Avait-il dit son nom à cet inconnu ? Il ne le savait plus.
— Et de quelle manière voulez-vous m’être utile ? demanda-t-il.
— Je crois savoir que vous vous trouvez dans une situation assez délicate.
— Une situation délicate ? Qu’entendez-vous par là ?
L’inconnu haussa les épaules et regarda par terre. Il ne semblait pas être disposé à s’étendre sur le sujet.
— Que voulez-vous insinuer ? insista Malberg. Comment savez-vous qui je suis ?
L’autre eut un sourire arrogant que Malberg n’était pas en mesure d’interpréter. Sa réponse fut tout aussi énigmatique :
— Je suis celui qu’on ne connaît pas.
Perplexe, Malberg regarda l’homme assis à ses côtés.
— À votre avis, de qui Caterina Lima tient-elle ses informations ? poursuivit ce dernier. Certes, j’ai été limogé de la police, mais cela ne m’empêche pas d’avoir encore accès à tous les services, par des voies détournées. Je sais que vous êtes recherché.
Malberg resta pétrifié sur place. Caterina l’avait-elle fait suivre ? Quel rôle jouait-elle vraiment dans ce mystérieux assassinat ? Leur rencontre n’avait-elle vraiment été que le fruit du hasard ? Quant à ce Giacopo Barbieri, pouvait-il lui faire confiance ? En qui pouvait-il d’ailleurs encore avoir
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