Le Huitième Péché
poursuit toute votre vie, marmonna Dulazek.
— Et, pourquoi avez-vous… ?
— Vous voulez dire, pourquoi j’ai jeté le froc aux orties ?
Gruna acquiesça, curieux d’entendre ce qu’allait lui dire Dulazek.
— Parce que j’ai compris, au bout de six mois passés chez les bénédictins, que je faisais fausse route. Un couvent est un gigantesque boxon dans lequel chacun tente, avec plus ou moins de succès, de maîtriser ses problèmes psychiques. En vain d’ailleurs, le plus souvent. La vie quotidienne du couvent m’a permis de me consacrer à la philosophie de la religion. Et plus j’approfondissais, plus je comprenais que la foi chrétienne est une utopie, une religion qui s’appuie sur des fondements pseudo-scientifiques, lesquels ne résistent pas à un examen objectif sérieux. C’est ainsi que je me suis intéressé aux sciences naturelles. Je ne suis d’ailleurs pas docteur ès sciences, mais simplement docteur en théologie. Personne ne se doute de rien, ici. Dites, vous n’allez pas me trahir ?
— Bien sûr que non ! rétorqua Gruna avec indignation.
Ils descendirent sans dire un mot, en se guidant avec la lampe de poche, l’escalier en colimaçon par lequel ils étaient montés. Arrivés sur le palier du premier étage, à l’endroit où leurs chemins se séparaient, puisque leurs chambres respectives se trouvaient à l’opposé l’une de l’autre, Gruna s’immobilisa et demanda en chuchotant à Dulazek :
— Pardonnez ma curiosité, mais quel objectif poursuivez- vous en sabotant les travaux de Murath ? Vous savez que je suis de votre côté, vous pouvez donc sans crainte me dire la vérité.
— La vérité ? Elle est toute simple. Je ne souhaite pas que Murath réussisse.
La voix de Dulazek était dure et impitoyable.
19
L es premiers problèmes de vie commune apparurent dans les jours qui suivirent. Lukas Malberg remarqua qu’il n’était pas facile de vivre à trois dans un espace aussi exigu. Pendant cette période qu’il passa chez Caterina, ce fut surtout le foutoir que Paolo mettait dans l’appartement qui lui posa des problèmes.
La situation était encore aggravée par l’arrivée, à peine Caterina hors de la maison, des soi-disant amis de Paolo, qui commençaient dès le matin à boire de l’alcool : des acteurs sans engagement, des mécaniciens automobiles qui se sentaient des vocations de pilotes de course et des types portant des bagues en or, au gagne-pain douteux, que Malberg préférait ne pas connaître. Peu de temps avant le retour de Caterina, cette faune disparaissait en abandonnant sur place des verres sales et des nuages de fumée.
Cette compagnie, qui comptait une jeune fille très attirante, laquelle était censée prêter sa voix de velours à la synchronisation de bandes-son, ne disait rien qui vaille à Malberg. Il décida donc de se chercher un autre toit.
Lorsqu’il mit Caterina au courant de ses plans, il se heurta à son incompréhension.
— Je conçois que la situation ne soit pas facile, mais, compte tenu des circonstances particulières, c’est peut-être la solution la plus sûre. Je sais que vous êtes habitué à mieux, mais c’est tout ce que j’ai à vous proposer, voilà tout.
— C’est ridicule, dit Malberg en essayant de calmer Caterina. Une petite chambre me suffirait ; j’ai besoin de calme. Et, de plus, je crois qu’il est temps de mettre fin à cette sous-location avant que nous n’en venions tous les trois aux mains.
Caterina haussa les épaules. Elle était vexée.
— Comme vous voudrez.
Assis devant la télévision allumée, Paolo, qui avait suivi la conversation sans y prêter apparemment attention, intervint :
— Je crois que j’ai une proposition à vous faire.
— Toi ? rétorqua Caterina qui prenait rarement son frère au sérieux. Le signor Malberg a besoin d’une chambre ou d’un appartement où il n’aura pas besoin de faire une déclaration de séjour.
— Tout à fait, opina Paolo. Un instant.
Il s’empara du téléphone. Après une courte conversation, il raccrocha et se tourna vers Malberg.
— À deux rues d’ici, la signora Papperitz loue des chambres à des artistes, des peintres, des écrivains…
— Et à des types louches, coupa Caterina. À part cela, il faut reconnaître que ce n’est pas une mauvaise idée.
Malberg n’arrivait pas à se défaire de l’impression que Paolo était content de se débarrasser de lui.
— La signora
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