Le Huitième Péché
Cela sentait la cire et le produit d’entretien. Deux hommes, qui dévalaient les marches à toute vitesse, faillirent le renverser.
— Eh ! leur cria-t-il. Vous ne pouvez pas faire un peu attention !
Mais ils étaient déjà loin. Arrivé au dernier étage, Malberg, en nage, s’épongea le front.
Il avisa une porte à deux battants, peinte en blanc, sans plaque, et une sonnette en laiton fixée au mur.
Il sonna.
Aucun bruit ne lui parvenait de l’intérieur de l’appartement.
Malberg attendit un moment avant de sonner à nouveau, sans obtenir plus de réponse ; puis il sonna une troisième et une quatrième fois, toujours sans succès. Il tambourina et cria :
— C’est moi, Lukas ! Pourquoi n’ouvres-tu pas ?
C’est alors que la porte, qui n’était pas fermée, s’entrebâilla. Lukas marqua une hésitation avant d’entrer avec prudence.
— Marlène ? Tout va bien ? Marlène ?
Il tendit l’oreille, la bouche ouverte.
— Marlène ?
Pas de réponse.
Malberg sentit l’angoisse s’emparer de lui. Tout à coup, il eut peur, sans comprendre exactement pourquoi.
— Marlène ?
Il posait un pied devant l’autre avec d’infinies précautions, s’attachant à ne faire aucun bruit. Un parfum de lys, âpre sans être désagréable, flottait dans l’air. Il aperçut, sans vraiment les voir, les murs tapissés de brocart d’or, les magnifiques appliques et le mobilier ancien du couloir.
Le salon joliment meublé, avec ses grands canapés confortables et son épaisse moquette américaine, était sens dessus dessous.
Marlène n’avait pas exagéré : la vue sur Rome était à couper le souffle. Voilà un endroit où il devait faire bon vivre.
Avant même que Malberg ait eu la possibilité de se laisser aller à ses rêveries, la réalité le rattrapait : il aperçut le téléphone par terre. La prise avait été arrachée. Qu’est-ce qui avait bien pu se passer ? Malberg se penchait pour ramasser le téléphone lorsque son regard tomba sur la porte de la salle de bains : elle était ouverte.
Il aperçut une grosse flaque d’eau qui brillait sur le carrelage noir. Malberg approcha. Il comprit soudain que l’odeur de lys venait de la baignoire, d’une essence de bain qui avait dû coûter les yeux de la tête. Lorsqu’il entra, son cœur battait à tout rompre.
Comme subjugué, il regarda la splendide baignoire d’angle : Marlène était allongée dans l’eau qui débordait, la tête sous l’eau, les yeux ouverts révulsés, la bouche tordue, comme si, dans son agonie, elle avait poussé un dernier cri de douleur.
Ses longs cheveux noirs ondoyaient comme des plantes aquatiques. Son superbe corps bronzé avait quelque chose d’effrayant. Ses bras et ses jambes repliés faisaient penser à un cadavre d’oiseau échoué sur la plage à marée montante.
— Marlène, bégaya Malberg avec des sanglots dans la voix, sachant bien qu’il n’y avait plus rien à faire. Marlène…
Il n’aurait su dire combien de temps il était resté là, paralysé, sur le seuil. Il entendit tout à coup des voix dans la cage d’escalier. Il devait disparaître le plus rapidement possible de cet appartement. Si on le trouvait là, les soupçons se porteraient immédiatement sur lui. L’hypothèse que Marlène ait pu attenter à ses jours lui semblait absurde.
Malberg se retourna et jeta encore un regard rapide dans le salon luxueux. Il découvrit sur un petit guéridon un agenda ouvert.
Marlène avait pu y inscrire son nom, son adresse et son numéro de téléphone : il devait donc emporter ce carnet. Il le fit disparaître aussitôt dans la poche de son veston. Puis il quitta l’appartement en refermant sans bruit la porte derrière lui.
Comment pouvait-il quitter l’immeuble sans se faire remarquer ? La maison n’était pas assez grande pour qu’un visiteur étranger puisse passer inaperçu.
Il avait descendu deux étages sur la pointe des pieds lorsque le vieil ascenseur au centre de la cage d’escalier se mit en branle. À travers les barreaux de la rampe, Malberg aperçut une femme d’un certain âge. Elle ne sembla pas le remarquer. Une fois arrivé au rez-de-chaussée, il attendit un instant.
La porte de la loge était encore entrouverte. À l’intérieur, le transistor allumé diffusait de la musique. Malberg hésita. La concierge ne manquerait pas de le voir lorsqu’il passerait. Le hasard lui vint en aide.
Un chat gras au poil hirsute, tenant quelque
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