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Le jardin d'Adélie

Le jardin d'Adélie

Titel: Le jardin d'Adélie Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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Adélie alignait les pains tout frais sortis du four. Elle aménageait quotidiennement la boutique et, ouvrant sur la rue, sa grande fenêtre munie d’une étagère qui faisait office de vitrine. Il était jadis arrivé qu’on interdît à l’aïeul d’y exposer du pain raffiné à cause de la famine qui sévissait. L’étage était divisé en deux. Il y avait la chambre à coucher et une autre pièce où étaient entreposés les sacs de grain ou de farine revenant du moulin. Le désagrément d’avoir à transporter ces sacs dans l’escalier abrupt était compensé par le fait qu’ils demeuraient bien au sec et à l’abri des rongeurs. L’espace personnel de Louis avait été aménagé dans un coin de cette resserre. Il en était séparé par un épais rideau fait de vieux sacs de toile cousus ensemble. Le garçon n’y possédait que sa paillasse, sa couverture et une petite caisse pour ranger ses affaires. Deux chevilles plantées dans le mur lui permettaient de suspendre ses vêtements. Il faisait de son mieux pour maintenir la propreté de cet espace exigu. Sa paillasse était installée à même le plancher de bois, sous l’échelle qui menait aux combles. Il n’y avait rien là-haut, sauf quelques souris dont il entendait certaines nuits les petits pas préoccupés.
    L’accès à la chambre des maîtres était interdit à Louis. C’était beaucoup trop beau. Le mobilier était l’un des plus avant-gardistes du pays : le père d’Adélie leur avait légué tous les beaux meubles qu’il avait acquis au fil des ans. Il avait été en son temps un bourgeois exceptionnellement cultivé. De prime abord, le mobilier paraissait d’une simplicité typique de l’époque, que l’on fût prince ou paysan : armoire, coffre, table et lit, le tout réalisé par l’assemblage de planches massives et de pentures en fer forgé. La différence provenait plutôt de la qualité et de la finition des meubles dont l’ornementation gothique avait affiné l’apparence rigide pour en faire des éléments de décor. L’ensemble était pourtant discret en dépit de l’ajout de sculptures à même le bois. Il y avait en outre un placard dans le mur pour y ranger les vêtements. L’armoire, quant à elle, était réservée aux livres de comptes. Seuls le Grand Panetier du roi et ses officiers en comprenaient le contenu. Un coffre reposait au pied du lit conjugal comme un gros chien fidèle. Firmin s’en servait comme banc. Il y avait de ces malles et bahuts dans chaque pièce de la maison. Celui de la cuisine, la huche, contenait de la vaisselle et quelques denrées. Enfin, l’ameublement de la chambre se complétait par un grand lit à baldaquin. Son matelas de plume était relevé à la tête. Ce meuble était si haut que le couple avait besoin d’un petit escabeau pour y monter. De belles courtines* le transformaient en nid intime. Un jour, Louis s’était furtivement glissé sous son ciel* pour enfouir le nez dans les carreaux* afin d’y recueillir le doux parfum de sa mère.
    La pièce à vivre était, quant à elle, équipée d’une belle table à tréteaux qu’ils rangeaient le long du mur une fois les repas terminés. Ils utilisaient des malles en guise de bancs. En plus de la cheminée, ils possédaient un évier en pierre, une autre armoire aménagée dans l’épaisseur du mur, ainsi qu’une goulotte* pour disposer des eaux usées au lieu de les jeter dans la rue par la fenêtre. Le sol du rez-de-chaussée était fait d’un carrelage en terre cuite soigneusement assemblé. Soucieux d’hygiène, l’aïeul avait également veillé à ce que le plancher de la cuisine fût ainsi dallé pour en faciliter l’entretien. Près de l’endroit où l’on rangeait la table se trouvait le grand cuvier pour le bain, de même que le petit miroir d’étain que Firmin utilisait pour son rasage. Le foyer était muni de briques percées destinées à servir de supports aux tournebroches. Ainsi, ils pouvaient s’offrir de la viande rôtie, au lieu du sempiternel pot-au-feu. Un mortier de pierre attendait d’être ramené à la cuisine ; il servait à broyer des épices qu’ils n’avaient malheureusement pas le moyen de s’offrir souvent. C’était comme pour la viande rôtie, d’ailleurs. Le vin de Firmin coûtait trop cher.
    *
    « Seigneur Dieu, aidez-moi à ne pas souhaiter un veuvage précoce à cette pauvre femme si telle n’est pas Votre volonté », pria Antoine en silence.
    — Firmin,

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