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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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craqua. Une branchette. Il y eut ensuite un glissement dans l’herbe haute.
    Ogier se retourna et ne vit rien.
    Il s’apprêtait à rejoindre ses compagnons quand une ombre qui s’était dissimulée derrière une haie courut à sa rencontre, les bras avancés, la chevelure dénouée.
    — Oui, c’est moi.
    Élisabeth était si proche de lui qu’il pouvait voir ses yeux étincelants comme des bossettes d’orfroi, sa lèvre boudeuse, son front aussi clair que ses dents : elle lui souriait de ce sourire faux et appuyé dont elle avait appris l’usage chez Ferris – à moins qu’il ne fut l’imitation de celui qui naguère, à Winslow, alors qu’elle était épouse et mère, avait subjugué Shirton.
    — Je vous ai attendu…
    De son air le plus innocent, Ogier répondit qu’il s’en doutait.
    — Il le fallait. Je ne veux pas que vous me jugiez mal.
    Elle s’efforçait à la bénignité, mais l’acrimonie attachée à sa personne subsistait sans qu’elle en eût conscience.
    — Vous devriez dormir, dit-il en reculant. Les prochaines journées vont nous fatiguer. Nous devrons disposer de toutes nos ressources.
    À quoi bon ajouter : « esprit et corps ». Elle avait compris. Elle s’approcha :
    — Depuis que nous avons fui Brackley, je veux… vous congratuler pour votre vaillance.
    — Vaillance ? s’étonna-t-il.
    Aucune hardiesse n’avait commandé à ses mouvements. Rien n’avait été plus naturel que son comportement dans cette affaire. S’il avait hésité à délivrer Griselda des contraintes d’un Ferris, c’était que leur fuite risquait d’en être contrariée. Mais elle pesait si peu, elle était si pitoyable, cette enfant, qu’il avait encore, parfois, du remords pour un atermoiement indigne.
    — Je n’ai fait preuve d’aucune vaillance, Élisabeth. Shirton m’a sauvé la vie ; il avait besoin de mon aide : en participant à votre sauvement, j’ai accompli un devoir d’amitié.
    — Vous voilà quitte et libre envers lui.
    — Nullement.
    Si parfois il s’était trouvé à l’aise avec cette femme, il ne le serait jamais plus : il se sentirait en continuel état d’accusation pour son indifférence et pis encore : son aversion.
    — Partons, Ogier ! Laissons-les… Je vous aiderai à fuir ! Je me sens faite pour vous… Je serai tout ce que vous voudrez.
    Pourquoi ces paroles si simples, chuchotées les lèvres offertes, avaient-elles cette force, cette lascivité surtout, à laquelle il ne pouvait qu’être sensible en l’état d’abstinence où il se trouvait ?
    — Je sais vos sentiments et j’en suis honoré… Toutefois…
    Il s’interrompit ayant perçu, tandis qu’il entamait cette réserve, une sorte de heurt dans son cœur, et dans sa gorge un serrement douloureux – comme si ses sens engourdis s’éveillaient et lui enjoignaient de se rendre.
    Il pouvait satisfaire Élisabeth en hâte et se purger les entrailles. L’écharde d’un remords lui perça la poitrine lorsqu’il imagina la déception muette de Griselda et l’amertume de Shirton.
    — Partez, Lisbeth, dit-il doucement.
    Il fallait immédiatement que les ténèbres l’engloutissent.
    — Shirton est un homme de cœur. Il mérite votre dévouement.
    — J’ai payé ma dette envers lui. On peut être homme de cœur et n’être pas aimé.
    Elle jouait sur les mots, le ton ardent, le souffle d’autant plus précipité qu’elle se confinait dans un chuchotement peu compatible avec sa nature. Pressentant qu’elle allait se jeter contre lui, Ogier recula encore.
    — Une fois seulement, l’implora-t-elle. Il n’en saura rien… ni elle.
    Ogier balança entre deux expédients : le refus brutal assorti de regrets, les propos aimables et mensongers. Un troisième lui vint à l’esprit, un argument irrécusable : celui de la fidélité.
    — Je ne puis trahir Jack. Même si je vous aimais, je n’y consentirais pas.
    Elle cossa comme un bélier qui s’apprête à la charge.
    — Et si je criais ? Si je lui disais que j’ai eu besoin de sortir et que vous m’avez voulu violer ?
    Plus qu’à de molles remontrances, Ogier se sentit enclin à des cruautés qu’il jugula pour ne point envenimer un incident suffisamment frelaté :
    —  Morgane, chez Ferris vous m’avez fait pitié. J’étais sûr que Jack ferait votre bonheur. J’étais sûr que vos sentiments pour lui fleuraient l’amour ou la reconnaissance qui, parfois, y conduit… Ce dont je suis

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