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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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nuit, dit-il, nous ne dormirons guère. Les femmes si… Quelle bonne chance qu’elles aient chacune un gîte : Élisabeth les viandes, l’autre les plumes.
    Sous les chênes, des ombres flânaient, annoncées de loin par des tintements d’éperons : seigneurs solitaires et titubants, couples rieurs ou silencieux, serrés, énamourés. Un cavalier passa puis, la hampe sur l’épaule, une décurie de guisarmiers sema sur le gravier un bruissement de semelles.
    — Ils s’en vont relever les gardes du champ clos.
    — À moins que ce ne soit les geôliers du vallon.
    Ogier se leva, étira ses membres las. Trouant les moutonnements du ciel, un rayon tomba sur l’étang. L’eau morte s’aviva et prit des brillances nacrées.
    — Tom est quiet… Il ne remue pas… Demain, quand il sentira l’eau, il sera iré contre toi, Jack… Contre nous. Mais il faut tenir bon.
    — Je sais. Je sais…
    Cette nuit pleine de feux, de reflets et de bruits convenait à Ogier. Griselda dormait-elle ? Et l’ancienne Morgane ? Elle avait préféré le logis des étaliers à celui des plumassières. Pour le moment, Shirton semblait avoir renoncé à la rejoindre.
    « Quand elle en sortira demain », songea Ogier, « elle sentira la cochonnaille… Avec toutes ces saucisses, elle a de quoi épuiser ses ardeurs ! »
    Cette vie, ces relents de joyeuseté autour de lui, l’étourdissaient un brin. Il se sentait à la fois seul, extrêmement seul, et vulnérable – pour peu qu’il commît une imprudence. De combien de pièges et d’errements demain serait-il fait ?
    Le brouillard se levait. Sur le fond des ténèbres blêmies par ces vapeurs encore légères, le château se désenluminait. Les rires des derniers invités, dont certains portaient des flambeaux, avaient une sécheresse inconcevable.
    — C’est peut-être le roi qui s’en va, dit Shirton.
    — Le roi !… S’il m’avait reconnu, j’étais un homme mort.
    — Ils s’en vont de l’autre côté. Quelle idée d’aller coucher sous sa pyramide alors que les châtelains ont dû lui faire apprêter une chambre !
    — Peut-être, dit Griselda, frileusement engoncée dans son manteau, sire Édouard est-il attendu, là-bas, par une Égyptienne !
    Levant la tête, Ogier rencontra le regard posé sur lui pour trouver, dans sa lumière, cette interrogation qu’il se refusait à comprendre.
    — Tu devrais dormir, reprocha-t-il doucement alors que Shirton s’enfonçait dans l’ombre.
    — Je ne le puis… Tom non plus.
    — C’est miracle qu’il nous ait retrouvés.
    — As-tu vu comme il aime la saucisse et le lard ?
    Ils rirent en silence. Ainsi tout était simple.
    — Veille bien sur lui, Griselda. Qu’il ne lui arrive pas malheur.
    — J’y veillerai soigneusement puisque tu me le demandes.
    Elle était si proche qu’Ogier sentait sa bouche contre son oreille mutilée.
    — Je voudrais te voir jouter, dit-elle.
    — Je ne suis plus rien, Griselda. Et même si je le pouvais, je serais défait dès ma première course, faute d’avoir empoigné une lance depuis un an. Mais à l’épée, je saurais encore tenir mon rang.
    Il n’était jamais à l’aise auprès de Griselda. Il se sentait inclus dans un monde tellement adulte et juvénile à la fois qu’il s’emberlicoquait même dans ses propos. Il l’aimait comme un frère et la plaignait comme un homme ; il eût voulu la rendre heureuse autrement que par ce qu’elle espérait ce soir encore.
    Il se leva. Il avait besoin de se mouvoir, mais seul.
    — Où vas-tu ? demanda-t-elle.
    — Quelques pas seulement, dit-il. Non, reste là.
    Shirton abandonna les ténèbres. Il rajustait son haut-de-chausses.
    — Ne t’écarte pas trop.
    Le conseil était inutile ; il émanait d’une amitié certaine. Ogier, cependant, ne fit aucun geste d’assentiment. S’il s’éloignait, c’était surtout par la pensée. À des centaines de lieues d’Ashby.
    La nuit froidissait, devenait grise, humide. Était-ce elle ou lui qui distillait tant de mélancolie ? Alors qu’il trébuchait sur une grosse pierre, ses jambes lui parurent aussi lourdes que lorsqu’il les grevait de fer. Les chants et les hurlements alternés, lointains, interminables, rendaient son désœuvrement pathétique. Des chênes floconneux, parfois, une feuille tombait, tournoyait, papillon noir qui touchait ses congénères avec un petit cliquetis, un froissement qu’absorbait le feutre du sol.
    Quelque chose

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