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Le jour des reines

Le jour des reines

Titel: Le jour des reines Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Naudin
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sûr, maintenant, c’est qu’à vous entêter de moi…
    — Regarde… Je voudrais que tu m’amignardes.
    Revenant au tutoiement, elle retroussa son manteau et sa robe jusqu’aux hanches et se tint immobile, à deux pas, courageuse et pantelante comme toutes celles qui, à Gratot, s’étaient offertes – avant son mariage.
    La soudaineté de leur hardiesse lui avait coupé le souffle plus encore que la révélation de leur lascivité. Elles n’obéissaient point, cependant, à l’espèce d’orgueil plaintif et sauvage qui, ce soir, animait Élisabeth. Ce désir insensé de l’étreindre apparaissait comme dépourvu des qualités de gratitude et de vénération dont l’amour de Griselda pouvait se prévaloir. Il le rejetait pour ce qu’il avait d’impudent et d’ordinaire.
    — Qu’attends-tu ? Que je refroidisse ? Couchons-nous sur ce manteau…
    Rien ne consumerait cette avidité entachée d’amertume. La violence innée d’Élisabeth se faisait d’autant plus agressive qu’elle le savait trop honnête pour la dénoncer à Shirton. Et c’était une tristesse infinie qui l’envahissait, lui, tandis que sans parler, avec la plus parfaite aisance, elle ôtait sa robe par le haut.
    — Attends !… Ne t’en va pas.
    Ses seins, soulevés au passage du collier d’étoffe, retombèrent, charnus et oblongs, plus gros qu’il ne les avait imaginés. Quant au reste, elle avait pu tancer Griselda pour son indécence !
    — Regarde !… Es-tu un saint ? Un émasculé ?… Un homme à hommes comme Édouard II ?
    Il n’avait plus affaire à la compagne ombrageuse et libre dont Shirton se montrait fier le jour et gourmand la nuit, mais à une créature qui savait livrer sa peau d’ambre et de lait à moult examens et sentences, et consentir, ensuite, aux pires exigences avec ce sourire tellement faux, malgré sa douceur présente, qu’il en détourna les yeux, honteux qu’elle le lui eût adressé.
    Un saint, lui ? S’il n’en était pas un, elle était, elle, une putoise, une gore, une souille… Tout ! La métamorphose espérée tout au long du cheminement vers Bunbury, puis vers Ashby, serait manifestement impossible. Shirton, qui avait dû la souhaiter aussi, en avait-il pris conscience ?
    — Viens donc.
    Ogier répondit d’un mouvement de tête.
    — Je suis un sot, dit-il en souriant. Mais que vaudrait l’amitié sans certains sacrifices ? Il m’en coûte de te voir ainsi sans te toucher. Cela devrait te satisfaire.
    Le froid devait l’assaillir de toutes parts. Pourtant, elle se coucha dans l’herbe et s’y roula comme une pouliche afin qu’il la vît toute. Elle était belle, assurément ; au faîte d’une maturité attrayante, excitante et, considérant ses appas, Ogier sentit sourdre en lui un vertige où la raison fléchissait devant une curiosité farouche. Mais un petit spectre s’approchait, qui lui aussi retroussait son manteau et son suaire – pas plus haut que les chevilles.
    — Si Jack vous trouvait ainsi !
    Il fallait que Griselda eût Shirton en bien grande estime pour en parler avec cette ferveur sur laquelle sa surprise et son dégoût ne versaient aucun acide. Ogier se sentit effleuré d’un regard terne, indifférent, cependant que, les bras croisés sur ses menus et invisibles tétons, la fillette considérait Élisabeth à terre, tâtonnant pour retrouver sa robe. La fureur lui tirait des grognements de bête blessée dont Griselda se délectait peut-être.
    — Tu devrais, m’amie, te couvrir davantage. Tu brûles et te consumes pour notre chevalier. Un chaud et froid et tu t’en vas de la poitrine !
    Élisabeth se leva d’un bond, repoussa l’importune et revêtit sa robe. Quand sa tête apparut hors de l’encolure, Griselda exhala un soupir bruyant :
    — C’est mieux ainsi… Tiens, Lisbeth, ton manteau.
    Ses petits yeux profonds cillèrent. Ogier les trouva plus brillants que de coutume. Un effet de la lune, sans doute.
    Élisabeth, ivre de rage, s’éloigna en trébuchant. Quand elle eut disparu, la fillette recouvra sa nature : quelques petites perles sonores tintèrent aux oreilles d’Ogier.
    — Elle t’a dit : une fois, mais c’est une gloutonne.
    — Comment le sais-tu ?
    — Oublierais-tu ses premières nuits avec Jack ?
    Ogier prit l’enfant par l’épaule :
    — Ne sois pas trop méchante. C’est tout de même Élisabeth qui a voulu que je t’emmène.
    — Elle n’est pas dépourvue de bons

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