Le Journal D'Anne Frank
pouvons faire la cuisine et écouter la radio en bas, dans le bureau de Papa. M. Kleiman et Miep et aussi Bep Voskuyl nous ont tellement aidés, ils nous ont déjà apporté de la rhubarbe, des fraises et des cerises, et je ne crois pas que nous allons nous ennuyer de si tôt. Nous avons aussi de quoi lire et nous allons acheter encore un tas de jeux de société. Évidemment, nous n’avons pas le droit de regarder par la fenêtre ou de sortir. Dans la journée, nous sommes constamment obligés de marcher sur la pointe des pieds et de parler tout bas parce qu’il ne faut pas qu’on nous entende de l’entrepôt. Hier nous avons eu beaucoup de travail, nous avons dû dénoyauter deux paniers de cerises pour la firme, M. Kugler voulait en faire des conserves. Nous allons transformer les cageots des cerises en étagères à livres.
On m’appelle.
Bien à toi,
Anne
1 Littéralement : « Tour de l’Ouest », c’est le clocher de l’église Westerkerk. toute proche du 263 Prinsengracht, où se trouvait l’Annexe.
28 SEPTEMBRE 1942 (ajout)
L’idée de ne jamais pouvoir sortir m ’oppresse aussi plus que je ne suis capable de le dire et j’ai très peur qu ’on nous découvre et qu ’on nous fusille, évidemment une perspective assez peu réjouissante.
DIMANCHE 12 JUILLET 1942
Il y a un mois exactement, ils étaient tous très gentils avec moi parce que c’était mon anniversaire, mais maintenant je sens chaque jour que je m’éloigne un peu plus de Maman et de Margot, aujourd’hui j’ai travaillé dur et tout le monde m’a encensée et cinq minutes plus tard, les voilà qui recommencent à me houspiller.
Ils n’ont pas du tout la même façon de s’adresser à Margot ou à moi, on voit bien la différence, par exemple Margot a cassé l’aspirateur et nous n’avons pas eu de courant de toute la journée. Maman lui a dit : « Mais, Margot, on voit bien que tu n’as pas l’habitude de travailler, sinon tu aurais su qu’on n’éteint pas un aspirateur en tirant sur le fil. » Margot a répondu quelque chose et l’affaire a été enterrée. Mais cet après-midi, je voulais recopier une partie de la liste de courses de Maman parce qu’elle a une écriture très difficile à lire, mais elle m’en a empêchée, elle m’a passé un bon savon et toute la famille s’en est mêlée.
Je ne suis pas comme eux et j’en prends clairement conscience, surtout ces derniers temps. Ils sont tellement sentimentaux entre eux, et moi, je préfère l’être toute seule. Et puis, ils n’arrêtent pas de dire comme on est bien tous les quatre, et comme on sait vivre en harmonie, mais ils ne songent pas un instant que je peux être d’un avis contraire.
Papa est le seul à me comprendre de temps en temps, mais généralement, il prend le parti de Maman et de Margot. Et puis, je ne supporte pas non plus que devant d’autres gens, ils racontent que j’ai pleuré ou disent que je suis très raisonnable, ça m’agace au plus haut point, et quand il leur arrive de parler de Moortje, ça me met hors de moi car c’est mon point faible et mon point sensible. Moortje me manque à chaque instant de la journée et personne ne sait à quel point je pense à lui ; chaque fois, j’en ai les larmes aux yeux. Moortje est si mignon et je l’aime tellement, je rêve à des projets pour le faire revenjr.
Je m’invente toujours de beaux rêves, mais la réalité, c’est que nous devons rester ici jusqu’à la fin de la guerre. Nous n’avons jamais le droit de sortir et ne pouvons recevoir de visite que de Miep, de son mari Jan, de Bep Voskuyl, de M. Voskuyl, de M. Kugler, de M. Kleiman, et de Mme Kleiman mais elle ne vient pas car elle trouve cela trop dangereux.
SEPTEMBRE 1942 (ajout)
Papa est toujours si gentil, il me comprend si parfaitement, et j’aimerais bien pouvoir me confier à lui sans éclater aussitôt en sanglots, mais il paraît que c’est une question d’âge. J’aimerais bien ne jamais m’arrêter d’écrire, mais cela deviendrait beaucoup trop ennuyeux.
Jusqu ’à présent, je n ’ai pratiquement fait que noter des pensées dans mon journal et je n ’ai pas encore réussi à écrire des histoires intéressantes que je pourrais lire plus tard devant tout le monde. Mais dorénavant, je vais essayer de ne pas être sentimentale ou de l’être moins, et d’être plus fidèle à la réalité.
VENDREDI 14
Weitere Kostenlose Bücher