Le Journal D'Anne Frank
essayé d’adoucir le choc en y clouant un morceau de tissu rembourré de laine de bois. Espérons que ça marchera ! Je n’apprends pas grand-chose, j’ai décidé de me mettre en vacances jusqu’en septembre. Ensuite, Papa veut me donner des leçons, mais il nous faudra d’abord acheter tous les livres de classe nécessaires.
Notre vie ici ne connaît pas beaucoup de changement. Aujourd’hui, on a lavé les cheveux de Peter, mais cela n’a rien d’extraordinaire, M. Van Daan et moi sommes toujours comme chien et chat. Maman me prend toujours pour un bébé, et je ne peux pas le supporter. Peter ne m’est pas devenu plus sympathique, il est ennuyeux, paresse toute la journée sur son lit, donne deux trois coups de marteau et retourne faire un somme. Quelle andouille !
Ce matin. Maman a recommencé à me faire un de ses affreux sermons et je ne le supporte pas, nos idées sont diamétralement opposées. Papa est un chou, même s’il lui arrive de se fâcher cinq minutes contre moi.
Dehors, il fait beau et chaud, et malgré tout nous en profitons autant que possible en allant nous étendre au grenier sur le lit-cage.
Bien à toi,
Anne
21 SEPTEMBRE 1942 (ajout)
Ces derniers temps, M. Van Daan est tout miel avec moi, je ne dis rien mais je n ’en pense pas moins.
MERCREDI 2 SEPTEMBRE 1942
Chère Kitty,
M. et Mme Van Daan se sont fait une scène violente, je n’ai encore jamais rien vu de pareil, car il ne viendrait pas à l’idée de Papa et Maman de hurler ainsi. La raison de la dispute était si insignifiante qu’un seul mot était encore de trop, mais bon, tous les goûts sont dans la nature.
Bien sûr, c’est très désagréable pour Peter, il est coincé entre les deux, mais personne ne le prend plus au sérieux parce qu’il est terriblement douillet et paresseux. Hier, il était passablement inquiet d’avoir la langue bleue au lieu de rouge ; ce symptôme insolite a disparu cependant aussi vite qu’il était venu. Aujourd’hui, il se promène avec une grosse écharpe autour du cou parce qu’il a le torticolis et en plus. Monsieur se plaint d’un lumbago. Il est également sujet à des douleurs entre cœur, reins et poumons ; bref, un vrai hypocondriaque ! (C’est bien le mot, non ?)
Ce n’est pas le grand amour entre Maman et Mme Van Daan, les occasions de frictions ne manquent pas, pour ne citer qu’un exemple, je te raconterai que Madame a retiré de l’armoire à linge commune tous ses draps sauf trois, elle a évidemment décidé que le linge de Maman pouvait servir à toute la famille. Elle va déchanter quand elle s’apercevra que Maman a suivi son exemple.
En plus, Madame est furieuse qu’on utilise son service plutôt que le nôtre. Elle essaie sans arrêt de savoir où nous avons bien pu mettre de côté nos assiettes ; elles sont moins loin qu’elle ne pense car elles se trouvent au grenier dans des cartons, derrière un tas de réclames pour Opekta. Tant qu’on se cachera ici, les assiettes seront hors d’atteinte, et c’est tant mieux ! Je fais toujours des maladresses, hier j’ai laissé glisser une assiette creuse du service de Madame, qui s’est cassée. « Oh, fait-elle rageuse, tu peux pas faire attention, c’est ma seule qui me reste. » (Note bien, Kitty, que les deux dames ici présentes parlent un néerlandais abominable, je n’ose rien dire des messieurs, ils se sentiraient terriblement offensés, si tu entendais leur charabia, tu serais pliée en deux ; nous n’y faisons même plus attention, de toute façon il ne sert à rien de les reprendre, quand je parlerai de Maman ou de Mme Van Daan, je ne reproduirai pas leur jargon original, mais j’écrirai un néerlandais correct.)
La semaine dernière, un petit incident est venu rompre la monotonie de notre vie, à cause d’un livre sur les femmes et de Peter. Il faut que tu saches que Margot et Peter ont le droit de lire presque tous les livres que nous prête M. Kleiman, mais ce livre-ci, qui parle de femmes, les adultes préféraient le garder pour eux. Cela excita immédiatement la curiosité de Peter. Que pouvait-il bien y avoir de défendu dans ce livre ? Il l’a subtilisé à sa mère pendant qu’elle était en train de bavarder en bas et a emporté son butin sous les combles. Pendant deux jours, tout s’est bien passé ; Mme Van Daan était parfaitement au courant de son manège, mais s’est bien gardée d’en parler jusqu’à
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