Le Journal D'Anne Frank
leur poste pendant deux jours, ils avaient tous les deux l’estomac barbouillé. En ce moment, je suis prise d’une folie de danse classique et autres, et je m’entraîne tous les soirs avec acharnement. A partir d’une combinaison mauve pâle à dentelle de Mansa, j’ai confectionné une robe de danse ultra-moderne. En haut, j’ai fait passer un cordon qui se ferme au-dessus de la poitrine ; un ruban rose froncé complète l’ensemble. J’essaie en vain de transformer mes tennis en ballerines.
Mes membres raidis sont en passe de recouvrer leur souplesse d’antan. Un exercice que je trouve super consiste à s’asseoir sur le sol, à tenir un talon dans chaque main, puis à soulever les deux jambes. Je dois malgré tout utiliser un coussin comme support sinon mon pauvre coccyx est trop malmené. Ici, ils lisent un livre intitulé Matinée sans nuages, Maman l’a trouvé particulièrement intéressant car il décrit de nombreux problèmes chez les jeunes. Avec un peu d’ironie, je me suis dit : « Commence par t’occuper de tes propres jeunes ! »
Je crois que Maman pense que Margot et moi entretenons les meilleures relations qui soient avec nos parents et que personne ne s’occupe autant qu’elle de la vie de ses enfants. Dans ce cas, elle ne regarde certainement que Margot, car des problèmes et des pensées comme les miens, je crois qu’elle n’en a jamais. Je ne veux surtout pas mettre dans la tête de Maman qu’un de ses rejetons se révèle tout à fait différent de ce qu’elle imagine, elle en serait vraiment stupéfaite et, malgré tout, ne saurait pas comment s’y prendre autrement ; le chagrin qu’elle ressentirait alors, je veux le lui éviter, d’autant plus que je sais que, pour moi, rien ne pourrait changer. Maman sent bien que Margot l’aime beaucoup plus que moi, mais elle pense que ce n’est que par périodes ! Margot est maintenant si gentille, elle me paraît beaucoup changée, elle n’est plus du tout aussi chipie qu’avant et devient une véritable amie. Elle ne me considère absolument plus comme une petite mioche dont on n’a pas à tenir compte. Il se produit parfois un étrange phénomène : je me vois comme à travers les yeux d’une autre personne. Je me penche tout à mon aise sur les histoires d’une certaine Anne Frank et me mets à feuilleter le livre de ma propre vie comme s’il s’agissait de celle d’une inconnue.
Avant, à la maison, quand je ne réfléchissais pas encore autant, je sentais à certains moments que je n’étais pas à ma place auprès de Mansa, Pim et Margot et que je resterais toujours un numéro à part, il m’arrivait de me mettre dans le rôle de l’orpheline pendant six mois, jusqu’à ce que je me punisse et me reproche que tout cela n’était que de ma faute, que je jouais les martyrs alors que j’avais tout pour être heureuse. Ensuite venait une période où je m’efforçais d’être agréable. Chaque matin, quand quelqu’un descendait l’escalier du grenier, j’espérais que ce serait Maman qui viendrait me dire bonjour. Je l’accueil lais gentiment car je me réjouissais vraiment de son regard bienveillant. Puis, par une réflexion quelconque, elle me rabrouait et je partais à l’école, totalement découragée. Sur le chemin du retour, je lui trouvais des excuses, me disais qu’elle avait des soucis, j’arrivais à la maison pleine d’enthousiasme, racontais toutes mes histoires jusqu’à ce que se répète un scénario identique à celui du matin et que, l’air perplexe, je quitte la maison avec mon cartable. Parfois, je décidais de rester fâchée, mais une fois rentrée de l’école, j’avais tant de nouvelles histoires que j’avais oublié ma résolution depuis longtemps et que Maman, en toutes circonstances, devait prêter une oreille attentive au récit de toutes mes aventures. Jusqu’à une nouvelle période, où je ne guettais plus les pas dans l’escalier le matin, où je me sentais seule et, le soir, noyais mon oreiller de mes larmes.
Ici, la situation s’est beaucoup aggravée, enfin, tu connais le problème. Mais Dieu m’a envoyé un soutien. Peter… Je serre un instant mon pendentif, y pose un baiser et pense : « Je n’ai rien à faire de toutes ces bêtises ! Petel est près de moi et personne n’en sait rien ! » De cette manière, je peux surmonter toutes les rebuffades.
Qui, ici, pourrait se douter de tout ce qui se passe dans l’âme d’une petite
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