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Le kabbaliste de Prague

Le kabbaliste de Prague

Titel: Le kabbaliste de Prague Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Halter,Marek
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plus robuste et d’un esprit plus acéré. Vögele
avait hérité du caractère et du corps rayonnant de vie de sa mère, Perl,
l’épouse du MaHaRaL.
    Ainsi que le dissemblable et les pôles opposés s’attirent et
se complètent, Jacob Horowitz était l’exact contraire d’Isaac. Tant pour
l’apparence que pour le caractère. Sec, sévère, orphelin depuis longtemps,
n’ayant plus pour famille que l’étude et la yeshiva, Jacob arborait une barbe
aux reflets roux qui le vieillissait d’une décennie. À le voir, et souvent à
l’entendre, il était difficile de croire qu’il venait à peine de fêter ses
vingt-sept ans. Il parlait chichement, d’une voix un peu nasale quoique bien
assurée. La vivacité de son esprit le faisait déjà estimer de tous, moi le
premier, et beaucoup auraient pu prédire qu’il deviendrait maître du Sefer ha
Zohar, le Livre de la Splendeur.
    Depuis leurs premières années passées sur les bancs d’une
yeshiva, Isaac le riche et Jacob le studieux se vouaient une amitié admirable.
Tout ce qui les différenciait les rapprochait. Par leur seul exemple, on eût pu
croire que Dieu voulait nous montrer la voie de la paix et de la bienveillance
entre les hommes.
    En signe ultime de cette profonde affection qui les nouait
l’un à l’autre, au printemps dernier, alors qu’Isaac épousait Vögele, Jacob
s’était résolu, après des années d’hésitation, à prendre pour femme Rebecca, la
fille cadette d’un oncle d’Isaac, scellant leur amitié au lien sacré des
familles.
    Cependant, leurs souhaits pour l’avenir étaient plus
ambitieux.
    — David, il se passe une grande chose ! Nous
voulons que tu en sois le témoin.
    — Une grande et belle chose, si j’en crois vos
sourires.
    — Une grande, belle et merveilleuse chose, s’enflamma
Isaac tandis que Jacob approuvait, la barbe vibrante.
    — Béni soit l’Éternel ! Cela fait bien longtemps
que je n’ai entendu de pareils propos !
    Le fait était. Les années sombres succédaient à trop
d’années ténébreuses. Vingt mois plus tôt une étoile à longue queue avait
occupé le ciel toutes les nuits, sans interruption, jusqu’au dernier printemps.
Dans son almanach, Bartholomaus Sculetus, disciple de Paracelse et astrologue
de renom qui tenait ses études à Görlitz, avait prédit de grandes catastrophes
pour les nations d’Europe et pour les Juifs.
    Pour lui donner raison, les chrétiens du pape et ceux de la
Réforme se massacrèrent tout l’été dans Paris. Des princes au peuple, tout le
monde s’étripait. Le sang de cette folie engendra tant d’autres carnages qu’un
livre entier ne suffirait pas à en tenir le compte.
    Le souffle de ce chaos se répandit vivement à l’est du Rhin.
Là, l’extermination des enfants d’Abraham ne connut aucun frein. Moravie,
Bohême, Hongrie. Le feu, le fer, la haine. Tant et tant que ce qui resta des
Juifs, ici ou là, n’eut la vie sauve que par la seule volonté de l’empereur
Maximilien. Que l’Éternel lui en tienne compte pour l’éternité !
    L’effet de cette paix inespérée gagnait Prague depuis peu.
On y respirait à nouveau l’air de l’espoir. Avec prudence, comme on ressent le
souffle d’une brise auprès d’un feu à demi éteint. Craignant à chaque instant
que la fraîcheur qui passait sur nos lèvres n’attisât les braises.
    Jacob avait deviné mes pensées.
    — Allons, David. N’oublie pas qu’une nuit sans jour et
un jour sans nuit n’entrent pas dans la maison de l’Éternel.
    — Et voici que vient le jour, ami, renchérit Isaac avec
enthousiasme. Vögele et Rebecca vont bientôt nous offrir des enfants.
    — Oh ! Voilà la belle nouvelle !
    — Dans douze ou vingt mois, précisa Jacob.
    — Est-ce à dire qu’elles ne sont pas enceintes ?
    — Pas encore.
    — Ni l’une ni l’autre ?
    — D’ici à vingt mois, elles le seront, répéta Jacob en
me lançant ce regard qu’il avait quand on ne le comprenait pas assez vite.
    — Bien. Et alors ?
    — Alors l’une aura un garçon et l’autre une fille…
    — Ou vice versa.
    — Bien sûr ! Une fille et un garçon qui seront à
leur tour mari et femme. Jacob et moi nous nous en faisons la promesse. Dans
vingt ans, nos enfants lieront nos familles.
    — Comme le téfiline est lié au bras.
    — Et nos petits-enfants seront les fruits de cette
promesse.
    — Le fruit de notre sagesse d’aujourd’hui, David.
    — Et toi, notre ami, tu pourras

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