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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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redoutable. Voilà pourquoi Maman demandait qu'il se tînt droit. Il se redressa un peu plus, quitte à se martyriser les muscles du dos. Il était p‚le et se sentait p‚lir. Il avait aimé être le Dauphin, les cris étaient si doux, si joyeux, sur le passage de son carrosse, avec quelle joie et quelle affection les femmes, les filles, les bourgeoises, les souillons criaient " Vive Mgr le Dauphin "... Mais avec quelle gravité les marchands, les manants, les exempts, leurs femmes, les servantes, les putains avaient crié sur le chemin du Parlement : " Vive le Roi, vive la Reine, vive Leurs Majestés ! "
    On secouait les chapeaux, les mouchoirs, mais on ne souriait pas.
    Ils ne l'aimaient plus depuis qu'il n'était plus Dauphin ! Même Philippe le bambin, le petit Monsieur comme on l'appelait, pour le distinguer de l'oncle au parfum de frangipane, l'avait remarqué
    et s'en était moqué. Maman Reine l'avait grondé.
    Depuis qu'il était le roi Louis le quatorzième, le rire était-il banni ? Pour cause de deuil, sans doute, du feu Roi son père...
    certainement pas du Cardinal ! Il y avait eu des bals sur les ponts de Paris, avait-il entendu dire, pour la mort de P'Eminence au cul pourri. Il avait répété le mot (entendu de la jolie bouche de la belle Marie de Hautefort, sa préférée) et pendant deux jours Maman Reine l'avait enfermé dans sa chambre avec interdiction d'en sortir ou de jouer. Consigné, avait-elle dit, comme un mauvais soldat pour avoir rapporté des grossièretés ! Mais le mot l'amusait. Il répéta mentalement " cul pourri " et pensa à la bouche de Marie le prononçant. Sans le vouloir, son visage s'éclaira.
    Un jeune homme lui sourit. Le duc d'Enghien, vainqueur de Rocroi, et qui paraissait encore un écolier aux tics nerveux de qui a trop étudié. Louis hésita et lui rendit le sourire. Des gravures n'avaient-elles pas montré Louis portant tous les attributs de la royauté, globe et sceptre et couronne, félicitant son jeune cousin de ses exploits en Flandres et pourtant cinq fois plus vieux que lui ? Cérémonie qui n'eut jamais lieu.
    Il y a quelques semaines, on l'avait aussi engoncé en une armure, offerte par les Vénitiens, pour le peindre. Il y avait eu chaud, trop chaud. Mais il l'avait portée cinq heures durant, dix jours de suite, car un roi de France est aussi un chef de guerre, n'e˚t-il encore que quatre ans et trois quarts d'année.
    Et puis son cousin Enghien était pourtant beau, couvert de la gloire d'Achille, mais son nez était terrifiant, si fort, si busqué, nez en bec de gerfaut ou de milan. Louis cessa de rêver, Maman Reine avait toussoté et le Roi écouta à nouveau ces messieurs du Parlement. Y sera-t-il encore contraint quand il sera grand ? Il y mettra le holà ; donc il faut grandir.
    Il grandit. Hors des dames qu'on lui enleva pour ses sept ans, sauf sa gouvernante Mme de Sénecey, afin de les remplacer par un abbé, M. de Baumont, Hardouin de Péréfixe, et un marquis, M. de Vitry, qui ne savait dire que " oui, Sire " avant que Louis e˚t terminé une quelconque demande.
    Il grandit dans les appartements de sa mère o˘ La Porte lui lut l'histoire des rois de France dans le grand livre de Mézeray, et aussi l'histoire des rois de quelques autres contrées. La Porte lisait cela comme on débite des contes, Louis se passionnait, attendait la suite, pour le prochain coucher. En Angleterre on tuait les Rois, pour changer les dynasties. On avait rué son grand-père Henri IV
    aussi, et le cousin Valois et les frères de celui-ci... Cela faisait frémir mais il refusait de le montrer devant La Porte. Il aimait bien ce Pierre qui vouait un culte à sa mère. Il aimait Guitaut aussi, ombre familière et protectrice dont il admirait la manúuvre militaire des gardes dans la cour de Saint-Germain ou devant le grand escalier de Fontainebleau, et Mazarin, cet Italien suave qui était son parrain et que sa marraine, princesse de Condé, avait toisé pendant que l'évêque de Beauvais le baptisait. Papa alors n'était pas encore mort...
    Maman, qui avait traversé à pied les jardins séparant le Ch‚teau Neuf du Ch‚teau Vieux de Saint-Germain, ne s'était pas encore jetée à ses pieds pour l'appeler " Sire " et " Votre Majesté ". Imitée par toute la Cour. Cela aussi lui avait fait un peu peur. Il préférait le temps du " gentil Dauphin " et des contes souriants sur la " pucelle " qui sacra un roi Charles.
    M. de Mazarin le fit assister au Conseil, lui

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