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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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expliquait tout et le poussait à poser cent questions. Les ministres rechignaient parfois à exposer des évidences, mais obéissaient. Doit-on se méfier des ministres ? M. Mazarin l'aimait et lui aimait M. Mazarin, son parrain. Le Cardinal tout neuf avait le plus chaleureux sourire de France, pour un homme s'entend.
    Il recevait en sa présence et sous la surveillance de sa mère, Régente de France, les ambassadeurs étrangers venus de toute l'Europe le féliciter au nom de leur monarque, leur roi, leur empereur, leur Grand-Duc, leur Prince, leur tsar, de son propre avènement. Elle lui avait enseigné les mots de courtoisie, de politesse qu'il devrait conserver toute sa vie, et il le lui avait promis. Mazarin et La Porte lui faisaient répéter, avant ces audiences, l'histoire des Rois étrangers qui lui envoyaient leurs ambassadeurs, leurs vúux et des présents.
    Les ambassades se déclaraient enchantées de cet enfant roi si disert et paraissant si au courant des affaires et de l'histoire des monarchies d'Europe.
    Maman Reine et Régente lui disait que tout cela était bien, et Mazarin souriait en frisant sa moustache et en lui chuchotant :
    " Maintenant, Sire, n'oubliez pas de vous amuser... un Roi doit avoir l'esprit libre pour des travaux qui sont dignes d'un jeune Hercule, et pour cela, il n'est que la détente, les arts, les divertisse-

    ments, les chevaux, la chasse, plus tard vous go˚terez aux dames.... " L'élégant homme en rouge souriait avec malice. Et Louis regardait autrement la rieuse Marie, que son père avait aimée disait-on. Il la voulait pour femme et lui donna ce nom,
    " ma femme " ; Marie s'en enchantait et en riait à gorge déployée, une gorge fort belle dont Louis pensait sans savoir tout qu'elle n'aurait pas le même usage que celle de dame Perrette.
    Louis XIV ne détestait pas être encore un enfant. Mais la joie le fuyait sans qu'il en prît conscience.
    Il lui fallut prendre le go˚t d'être roi tout en étant enfant. Les deux états en un seul corps et à chaque moment. Sans bouder ni s'en plaindre. C'est-à-dire, il le sentait confusément mais avec pragmatisme, marier deux impossibilités.
    Il avait vu à quatre ans, une heure après la mort de son père, la Cour entière, princes et prélats, officiers et conseillers, ministres et duchesses, cousins et oncle Frangipane, pensionnés et inutiles, capitaines des Gardes et des Mousquetaires, il les avait vus, tous et toutes, traverser au pas de charge les jardins séparant le Ch‚teau Neuf du Ch‚teau Vieux, il avait entendu leurs pas, lourds de bottes, légers d'escarpins, roulements de caisses différentes de l'avant-garde des régiments, frapper les escaliers, ruiner les parquets, et les portes s'ouvrant à la volée pour les voir, telle une marée de bleu, de rouge, de blanc, de vert et de brun des bures, s'incliner, balayer le sol des plumets pour rendre hommage au Roi tout neuf, lui.
    Il avait eu envie de pleurer. Philippe d'Anjou avait hurlé. Et Maman Reine avait obligé ce petit frère si drôle, avec lequel il aimait s'amuser, auquel il aimait faire des niches, à saluer lui aussi son aîné, un genou en terre. Enfin, du moins, un minuscule genou sur le tapis. Et un regard un peu perdu, et qui ne comprenait plus ce qui arrivait.
    Et à partir de cet instant Philippe, dit " mon Féfé ", devint dans la bouche, en public, " Monsieur mon frère ", et cela dit nettement articulé, sans pouffer !
    Evidemment les dames s'effondrant en des révérences lui offraient la vision délicate et blanche de leurs décolletés. Doux, blancs, tièdes... Il garda en secret l'habitude que Perrette vienne l'embrasser dès son réveil. Maman Régente l'accorda bien volontiers. Un Roi débutant a besoin de souvenirs d'enfance comme un royaume a besoin de son histoire.
    Il devait se montrer roi. Un bien étrange état. Et feu Papa l'avait dit, se souvenait-il, et d'une voix douce pour une fois, un état bien solitaire aussi. Surtout au milieu de la foule et même dans les appartements de Maman o˘ la tendresse régnait et o˘ il retrouvait ce petit Féfé trublion devenu Monsieur mon frère.
    M. de Mazarin, qu'on n'appelait pas encore " Le Cardinal ", comme si le titre était mort avec le cadavre maigrichon rongé par les abcès, devint surintendant au gouvernement et à la conduite de la personne du Roi et de celle de M. le duc d'Anjou. Ce parrain choisit les maîtres qui, le rappelait Maman, étaient autant de servi-

    teurs de Sa

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