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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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mon Féfé.
    Il se tourna vers sa mère une fois de plus. Elle lui lança un regard ferme, les yeux pleins de chaleur, superbe en ses voiles de veuve. Il aimait que Maman soit belle.
    Il comprit qu'il ne devait montrer ni inquiétude ni peur. De la superbe, Louis, de la superbe. Elle lui montrait en exemple, dans son privé, le portrait de Philippe IL d'Espagne dans sa chambre.
    Un Roi, Louis, un vrai. Papa a-t-il été un faux ? Trônait aussi dans le cabinet de la Reine un portrait de Richelieu. Le grand ennemi était-il devenu, la mort aidant, un inspirateur ? Ou bien Anne se réconfortait-elle de voir que ce puissant ministre était mort ?
    La leçon de royauté se donnait au plus intime, pendant le bain, auquel Maman tenait encore, cette incongruité venue d'Espagne et dernière habitude " étrangère " de la Régente de France. La leçon était en images, car les images frappaient plus l'enfant que les longs discours, et Sa Majesté Anne tenait à l'enseignement concret plutôt qu'au théorique. " Voir, Louis, c'est comprendre mieux. "
    Elle ordonna qu'on présent‚t au Roi les études comme un jeu.
    Il sut lire puis écrire avant ses cinq ans. Il avait appris aussi par affection pour cette femme souriante, tendre et grondeuse, très parleuse, parfois sautant du coq à l'‚ne mais qui l'aimait, il le savait. Et dans le silence de sa chambre se le répétait quand tout à coup il se sentait seul.
    quand il apprenait que Maman Reine allait prendre ce bain qui semblait à toute la Cour une bien étrange étrangeté, il se précipitait en ses appartements, se faisait déshabiller par sa gouvernante Mme de Sénecey et, vêtu d'une longue chemise, rejoignait Maman vêtue de même sorte en son cuveau de marbre.
    Il aimait la chaleur de l'eau, la présence pudique du corps quasi nu de sa mère, les murs tendus d'azur et d'or comme blason géant de France, les vo˚tes soutenues par des colonnes de marbre, entre lesquelles on voyait, peints par Vélasquez, les parents espagnols d'Anne, empereurs, rois, cardinaux, princes... Ils étaient beaux, du moins les tableaux étaient beaux et les visages empreints à la fois d'humanité grave et de surhumanité d'altesses. Dans la baignoire (le mot est trop moderne pour ce lieu) creusée dans la pierre), tendue de draps de batiste et au fond adouci par des oreillers, Louis enfant redevenait sans doute Louis bébé des limbes avant sa sortie dans le monde réel. Une petite chaudière à bois mainte-nait l'eau à douce chaleur, Louis était bien, aussi bien que dans un ventre maternel, et comme en ce ventre autrefois il entendait la voix qui murmurait et ce murmure tendre était enseignement.
    Louis faisait mieux qu'entendre, il écoutait.
    Le cuveau était un monde paisible, chaud, le monde du tête-à-tête unique avec Maman qui était à la fois Maman et vraie Reine, sous les seuls regards d'ancêtres magnifiés par la peinture d'un grand peintre d'un pays fier mais devenu ennemi. La vapeur montant du cuveau semblait par ses volutes leur redonner vie, et rois, princes, cardinaux paraissaient le contempler, lui, cet autre roi débutant, depuis les nuées fragiles du Paradis.
    Ainsi pour Louis si petit encore, mais très vite moins petit, l'enseignement du métier de Roi, car c'est là que commençaient les leçons, était-il d'abord tendresse et art. La voix ne bêtifiait pas comme celle d'une nourrice à un enfant auquel elle s'attache, une rareté en soi, sauf chez dame Perrette Dufour, la voix énonçait aussi, en douceur, des cruautés nécessaires.
    " N'ayez jamais, Louis, d'attachement pour personne. " Et c'était la personne à laquelle il était en ces moments le plus attaché, et il savait qu'il le serait longtemps, qui dans un sourire lui conseillait cette énormité ! Mais elle avait montré l'exemple, avec ses amis recouvrés : Chevreuse ne paraissait pas à la Cour, Bouillon n'avait pas récupéré Sedan, et elle avait continué la guerre avec l'Espagne, sa propre famille... La Reine s'était forgée une ‚me ingrate de Roi. qu'il ne l'oublie pas !
    Impossible d'oublier. Mais comment ne pas montrer d'attachement pour Marie de Hautefort, qu'il aimait tendrement, pour Mme de Sénecey, si souriante et attentive, pour l'" ami Pierre "
    de la chanson, ce gai La Porte aux yeux sombres qui contait si bien l'Histoire et les histoires et ne se privait pas d'ironie ? Peut-
    être aussi pour son petit frère... C'était aller bien loin. Petit Louis était un peu perdu.
    Il

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