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Le lever du soleil

Le lever du soleil

Titel: Le lever du soleil Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Dufreigne
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son mari.
    - Louis le réclame dès qu'il sort. Je crois qu'il aime ses chansons.
    - C'est un Savoyard d'Italie, il a servi ma súur Madame Chrétienne. Elle me l'avait prêté après la campagne...
    Il se tait. Il ne veut pas parler de guerre devant sa femme, l'Espagnole.
    Elle le regarde. Ce Roi, ce mari trop silencieux ne lui a jamais autant parlé depuis deux ans et la naissance de Philippe, qu'on a éloigné de Louis par crainte de contagion.
    - Gardons-le à notre fils puisqu'il apprécie ses chansons.
    - Oui, dit Louis, gardez-le-lui. Prenez-le dans sa maison.
    Il vient de reconnaître l'autorité d'Anne sur ses enfants.
    Anne lui sourit :
    - Ne soyez pas soucieux, Sire, Louis est fort, il guérira vite.
    Les enfants doivent vivre, comme les guerres doivent finir un jour.
    Ce qu'elle vient de dire est d'une audace folle devant ce Roi guerrier et victorieux, qui, elle le sait par Mazarin, envisage de prendre la tête de ses armées en Picardie.
    - Oui, Madame, les guerres doivent finir. Elles finiront.
    Toutes les guerres. Celles avec les beaux-frères, celles entre frères, celles...
    " Entre époux ", pense-t-elle en secret.
    - Il tousse moins et repose bien.
    Leurs deux regards plongent vers le lit o˘ Louis, bercé par Dubois, ronronne plutôt qu'il ne ronfle.
    - Allez dormir, Dubois, nous veillerons notre fils.
    Notre fils...
    - Sire, je... chuchote le valet.
    Allez, bon Dubois, nous vous ferons éveiller lorsque le Dauphin vous demandera. C'est aux parents aussi de veiller leur enfant.
    Des parents...
    La Reine regarde le Roi, qui évite son regard. Elle sait qu'il n'en dira pas plus. Il a déjà tout dit. La paix n'est pas faite en Picardie, mais à Saint-Germain, si.
    Un mur s'est écroulé entre Louis et Anne, dans les odeurs d'em-brocation d'une chambre d'enfant malade. Sans coup de canon, simplement mot après mot, sourires après regards adoucis. Les minutes passent rythmées par le souffle du Dauphin.
    Le Roi allonge ses jambes, grimace à peine.
    " Il souffre, pense-t-elle, mais veut demeurer près de son fils ",
    " notre fils ", se corrige-t-elle.
    Il soupire. Non de douleur, elle le sait, mais, comme elle, de délivrance. N'y aurait-il plus aucune méfiance entre eux ? Il est sec, il est jaune, il est malade, mais il est là, près d'elle.
    - Madame...
    Va-t-il en plus se confier ?
    - Madame, j'ai décidé de pardonner à mon frère.
    L'aveu, l'effort qu'il induit, la confiance qu'il demande semblent épuiser le Roi.
    - Ce sera la sixième fois.
    Un rire s'échappe de la gorge du Roi et n'est pas un ricanement.
    La Reine sourit et l‚che :
    - C'est d'un Roi Très Chrétien...
    Ils rient tous les deux.
    - Il faut parfois mériter son titre... mais je ne sais pas si c'est d'un Roi surnommé le Juste. Sans doute une faiblesse. Mais la paix est-elle une faiblesse ?
    - La paix a pour súur la victoire.
    - Il est vrai. Victoire sur soi-même, quand il s'agit de Gaston.
    Je souhaite de tout cúur, Madame, que vous assistiez à cette cérémonie du pardon entre frères. Elle aura lieu quand Louis sera guéri. Il... je... que la famille soit unie à jamais.
    La famille ! Plus de Bourbons ni de Habsbourg, de Médicis.
    Une famille.
    - Ce sera pour moi un bonheur, Sire.

    Bonheur est bien, honneur e˚t été trop protocolaire. Anne ne sait qu'ajouter. Le silence est peut-être meilleur avec cet homme muet.
    - Et puis...
    Il rougit sous l'ivoire. Se renfrogne, la regarde, esquisse un geste comme s'il voulait lui prendre la main. Regarde les fenêtres o˘ l'aube pointe. Un jour de plus à vivre alors qu'il n'a pas dormi.
    - Et puis, nous nous occuperons des autres paix.
    Elle sait qu'entre eux, sans ces ridicules traités qu'auparavant il exigeait par écrit, comme entre Cinq-Mars et lui, la paix est signée. Anne en est heureuse. Cela ne lui est pas arrivé depuis leurs seize ans à tous les deux, quand ils étaient amoureux.
    - Je veux...
    Cet homme n'arrivera-t-il jamais à se lancer d'un trait dans une phrase entière ? Mais cette irrésolution qui l'a tant agacée, elle l'émeut en ce jour qui lève, maussade, plein de pluie et de glace.
    Il est vrai qu'il est bègue, elle rougit de l'avoir oublié un instant.
    - Je souhaite laisser à Louis Dieudonné un royaume sans guerre...
    Il regarde le lit o˘ dort l'héritier, puis le plancher.
    - Et à votre régence, un pouvoir assuré et apaisé.
    Elle p‚lit.
    - Mais Sire...
    - Si, Madame, il faut y songer. Il faut vous y préparer, pensez-y chaque jour.

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