Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lis et le Lion

Le Lis et le Lion

Titel: Le Lis et le Lion Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
Vom Netzwerk:
lente ; c’était bien vous que j’espérais
approcher.
    Elle avait fait le nécessaire pour
cela, et si peu déguisé, pendant une semaine, ses émissaires auprès de la
Divion que tout l’hôtel devait être averti.
    La réponse surprit un peu Robert.
    — Alors, que venez-vous
faire ? M’annoncer la mort de ma tante Mahaut ?
    — Oh ! non, Monseigneur…
Madame Mahaut s’est seulement cassé une dent.
    — Belle nouvelle, dit Robert,
mais qui ne me paraît pas valoir le dérangement. Vous envoie-t-elle en
messagère ? Voit-elle qu’elle a perdu sa cause et veut-elle à présent
traiter avec moi ? Je ne traiterai pas !
    — Oh ! non, Monseigneur…
Madame Mahaut ne veut pas traiter puisqu’elle sait qu’elle gagnera.
    — Elle gagnera ? En
vérité ! Contre cinquante-cinq témoins, tous accordés pour reconnaître les
vols et tromperies commis à mon endroit ?
    Béatrice sourit.
    — Madame Mahaut en aura bien
soixante, Monseigneur, pour prouver que vos témoins disent faux, et qui auront
été payés le même prix…
    — Ah ça ! La belle ;
est-ce pour me narguer que vous êtes entrée ici ? Les témoins de votre
maîtresse ne vaudront rien parce que les miens appuient de bonnes pièces, que
je montrerai.
    — Ah ! vraiment,
Monseigneur ? dit Béatrice d’un ton faussement respectueux. Alors c’est
que Madame Mahaut se trompe sur la raison de la grande recherche de sceaux qui
se fait en Artois, ces temps-ci… pour votre maison.
    — On recherche des sceaux, dit
Robert irrité, parce qu’on recherche toutes pièces anciennes, et que mon
nouveau chancelier veille à mettre ordre en mes registres.
    — Ah ! vraiment, Monseigneur…
répéta Béatrice.
    — Mais ce n’est pas à vous de
m’interroger ! C’est moi qui vous demande ce que vous cherchez ici. Vous
venez soudoyer mes gens ?
    — Nul besoin, Monseigneur,
puisque je suis parvenue jusqu’à vous.
    — Mais que me voulez-vous, à la
parfin ? s’écria-t-il.
    Béatrice parcourait la pièce du
regard. Elle vit la porte par laquelle elle était entrée, et qui s’ouvrait dans
le ventre de la Madeleine. Elle eut un léger rire.
    — Est-ce par cette chatière que
passent toujours les dames que vous recevez ?
    Le géant commençait à s’énerver.
Cette voix traînante, ironique, ce rire bref, ce regard noir qui brillait un
instant et s’éteignait aussitôt derrière les longs cils recourbés, tout cela le
troublait un peu.
    « Prends garde, Robert, se
disait-il, c’est là garce fameuse et qu’on ne doit pas t’envoyer pour ton
bien ! »
    Il la connaissait de longue date, la
demoiselle Béatrice ! Ce n’était pas la première fois qu’elle le
provoquait. Il se rappelait comment à l’abbaye de Chaâlis, sortant d’un conseil
nocturne autour du roi Charles IV à propos des affaires d’Angleterre, il
avait trouvé Béatrice qui l’attendait sous les arches du cloître de
l’hôtellerie. Et bien d’autres fois encore… À chaque rencontre, c’était le même
regard attaché au sien, le même mouvement onduleux des hanches, le même
soulèvement de poitrine. Robert n’était pas homme que la fidélité
ligotait ; un tronc d’arbre habillé d’un jupon l’eût fait sortir de sa
route. Mais cette fille, qui était à Mahaut et pour toutes besognes, lui avait
toujours inspiré la prudence.
    — Ma belle, vous êtes sûrement
bien gueuse, mais peut-être également êtes-vous avisée. Ma tante croit qu’elle
gagnera sa cause ; mais vous, l’œil plus ouvert, vous vous dites déjà
qu’elle la perdra. Sans doute pensez-vous que le bon vent va cesser de souffler
du côté de Conflans, et qu’il serait temps de se faire bien voir de ce
Monseigneur Robert dont on a tant médit, auquel on a si grandement nui, et dont
la main risque d’être lourde le jour de la vengeance. N’est-ce pas cela ?
    Il marchait de long en large selon
son habitude. Il portait une cotte courte qui lui moulait la panse ; les
énormes muscles de sa cuisse tendaient l’étoffe de ses chausses. Béatrice, à
travers ses cils, ne cessait de l’observer, depuis la rousse chevelure jusqu’aux
souliers.
    « Comme il doit peser
lourd ! » pensait-elle.
    — Mais on n’acquiert pas mes
faveurs par un sourire, sachez-le, continuait Robert. À moins que vous n’ayez
grand besoin de monnaie et quelque secret à me vendre ? Je récompense si
l’on me sert, mais je suis sans pitié si l’on veut me

Weitere Kostenlose Bücher