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Le lit d'Aliénor

Le lit d'Aliénor

Titel: Le lit d'Aliénor Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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dame Loanna, si ce n’est peut-être une fidélité d’âme qui est à mon sens une vertu dont beaucoup se devraient parer.
    – Combien je vous envie, mon ami, d’être capable d’autant de lucidité et de générosité, gloussa Aliénor. Allons sortons, le bruit voile nos mots et je serais aise d’avoir avec vous deux une discussion hors les oreilles indiscrètes. Tu es partie si soudainement, Loanna, que j’ai grand besoin de t’entretenir.
    Se glissant avec autorité entre nous, Aliénor nous entraîna dans son sillage. Quelques minutes plus tard, dans son cabinet, nous étions seuls autour d’une liqueur de prunelle et quelques oublies.
    Je n’avais aucune raison de leur cacher la vérité, du moins pour ce qui était avouable. J’attendis donc que Geoffroi de Rançon m’ait exposé les arguments qu’il avait donnés à l’annulation de notre mariage pour leur présenter les faits.
    – Je ne souhaitais pas que l’on rît de moi, de vous, de nous et de ma famille. Je ne voulais pas non plus que paraisse bafouée l’autorité de la reine et du roi qui nous avaient accordé leur bénédiction.
    – Sire Geoffroi m’est venu trouver après ton départ, renchérit Aliénor. Il désirait que le mariage fût annulé pour cause de consanguinité. Amusant, n’est-ce pas ?
    Je souris à cette allusion à sa propre situation, mais la laissai poursuivre.
    – Certains prélats, à qui j’ai accordé pour ce faire un don des plus généreux, ont certifié que leurs recherches, poussées dans ce domaine sur la demande expresse du seigneur de Taillebourg, les avaient amenés à cette triste conclusion.
    – De sorte que ma famille a vu en cette prévoyance un signe du Seigneur sans laquelle notre union aurait été droit au désastre. Il valait mieux que cela soit découvert avant le mariage qu’ensuite.
    – Je n’ose croire, Geoffroi, que vous ayez eu soin de préserver ma réputation à ce prix.
    – J’ai été déçu et blessé, certes, mais je ne renie rien de ce qui m’a conduit à me rapprocher de vous.
    – Geoffroi m’a tout raconté, ajouta la reine, y compris ce que tu n’avais confié qu’à lui, ainsi que sa promesse de ne jamais forcer ta couche, attitude chevaleresque s’il en est. Cela m’a aidée à mieux comprendre ta décision. L’un et l’autre avons agi au mieux, au nom de l’amour. Et Dieu sait si nous t’aimons !
    Des larmes me vinrent aux yeux. J’étais arrivée là, le cœur serré malgré mon bonheur, ne sachant comment je serais reçue après cette volte-face, et voilà qu’on m’ouvrait les bras. Pour la première fois de ma vie, tout se mettait en œuvre pour laisser s’accomplir le destin que j’avais choisi.
    – A présent, raconte-nous. Notre cher troubadour est-il aussi vivant qu’on te l’a laissé croire ?
    – C’est une fort longue histoire, ma reine. J’ai retrouvé Jaufré de Blaye, mais, hélas, celui qui faisait frémir les cœurs les plus secs par sa voix merveilleuse est mort à Tripoli.
    Ils eurent l’un et l’autre un regard d’incompréhension. Je crus bon de poursuivre :
    – Jaufré a été victime là-bas d’une maladie étrange qui l’a d’abord fait croire défunt. Et, par Dieu, si son hôtesse, Hodierne de Tripoli, n’avait été amoureuse de lui, on l’aurait enterré vivant. Elle l’a caché au regard de tous, veillé, soigné jusqu’à ce qu’il reprît conscience et force. Ensuite, elle le laissa repartir vers moi. On prétend que la beauté cache souvent la vilenie. Longtemps, moi-même je l’ai pensé. Je sais aujourd’hui que c’est faux. Il n’est de plus belle femme au monde que celle-ci, mais son âme et son cœur sont plus nobles encore que son allure. Elle l’a protégé et chéri mieux que je ne l’aurais fait. De sorte que le handicap de Jaufré n’était rien qu’un leurre destiné à jauger mes véritables sentiments. Jaufré est tel que je l’avais laissé en Sicile, amaigri, chauve, mais sans traces physiques d’une quelconque malformation. Non, sa seule infirmité réside en cette voix qu’il a perdue. Il n’est pas muet, mais c’est tout comme, car à jamais le troubadour a disparu. Pourtant, cela m’importe peu. Il est, et je l’aime.
    – Quelle étrange histoire ! Que comptes-tu faire ? demanda Aliénor attendrie.
    – L’épouser. Donner un père à l’enfant que j’ai perdu et à celui que je porte.
    Aliénor étouffa un cri, tandis que je glissais avec

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