Le livre du cercle

suspicieux. Celui-ci prit rapidement la parole.
    — Sultan,
j’aimerais que vous m’accordiez la permission de voyager sans encombre jusqu’à
la forteresse de Safed. Mon père y est mort au cours du siège, j’aimerais
l’enterrer et lui rendre hommage. Je sais que je n’ai pas le droit de vous
demander cela et que rien ne vous oblige à m’y autoriser, mais...
    Il
hésita, la confiance le fuyant et sa langue butant sur les consonances
étrangères.
    — Mais
je me dois de vous le demander, termina-t-il.
    Du
coin de l’œil, il remarqua les gardes et les conseillers qui échangeaient des
regards de surprise, d’amusement ou de dédain. Derrière lui, Kalawun semblait
s’être raidi. Baybars l’étudia avec un intérêt renouvelé pendant quelques
instants, puis il hocha la tête.
    — J’accède
à votre requête, répondit-il. Mais vous irez sans vos hommes, ce sont les miens
qui vous accompagneront.
    Sans
quitter Will des yeux, il désigna deux arbalétriers. Ceux-ci baissèrent leurs
armes et s’avancèrent.
    — Emmenez-le
à Safed, ordonna-t-il. Puis escortez-le jusqu’en Acre.
    — Je
vous remercie, murmura Will.
    — Nous
en avons fini, conclut Baybars en se redressant sur son trône et en posant les
mains sur les têtes de lion. Partez, maintenant.
    Will
s’inclina et quitta la cathédrale. A mesure que la tension redescendait, tout
son corps tremblait comme une feuille. Dehors, la nuit était tombée et une lune
argentée veillait sur la ville.
    — C’était
absurde de faire une chose pareille, lui dit Kalawun alors qu’ils
s’approchaient de la compagnie franque, les deux Bahrites que Baybars avait
choisis pour l’escorter à leur suite.
    —-
Il fallait que je le fasse, répondit Will en s’arrêtant pour récupérer son
fauchon dans la rue, à l’endroit où il l’avait déposé.
    — Je
comprends.
    Kalawun
s’inclina devant lui.
    — Que
la paix soit avec vous, William Campbell.
    — Et
avec vous.
    Kalawun
repartit en sens inverse.
    — L’a-t-il
signé ?
    Will
se retourna. Robert arrivait près de lui.
    — Oui.
Je te confie le traité, assure-toi de le ramener en Acre.
    — Pourquoi
? demanda Robert d’un air inquiet. Où vas-tu ?
    Will
sourit en lui tendant le rouleau.
    — Offrir
le repos à un fantôme.
     

 
    NOTE DE L’AUTEUR
    Quand
j’ai formé le projet de ce roman, il y a cinq ans, je savais que je voulais
raconter l’histoire des croisades des deux points de vue, ceux de l’Occident et
de l’Orient. Au-delà des mythes persistants liés aux Templiers, la réalité
vécue par ces hommes me fascinait, de même que l’extraordinaire ascension du
guerrier mamelouk Baybars, qui demeure aujourd’hui encore, au Moyen-Orient, un
héros.
    Durant
l’écriture de ce roman, j’ai essayé de rester aussi fidèle que possible aux
événements, aux personnages et aux détails de cette période, sans sacrifier
pour autant le rythme ou l’intrigue, si bien qu’au final le roman est le
produit de ces deux contraintes. Par moments, il est enraciné dans les faits
historiques, à d’autres il est le pur résultat de l’imagination, et il lui
arrive de mélanger les deux. Les événements d’Ayn Djalut, Safed ou Antioche,
par exemple, se sont probablement déroulés à peu de choses près tels que je les
décris. L’Anima Templi est une invention, bien que Le Livre du Graal d’Everard
m’ait été vaguement inspiré par une romance autour du Graal datant du XIII e siècle, le Perlesvaus, une œuvre anonyme remplie d’une imagerie peu orthodoxe,
dont certains pensent qu’il aurait été écrit par un Templier. De la même façon,
l’attaque contre la compagnie de Templiers à Honfleur est fictive, mais le roi
Henri III a bien été obligé de donner les joyaux de la couronne d’Angleterre en
gage à l’Ordre en raison de dettes qu’il ne pouvait pas honorer.
    Pour
les détails historiques, j’ai puisé dans une centaine de sources, la plupart
purement factuelles, d’autres légèrement plus fantastiques, souvent
contradictoires mais toujours éclairantes. Les livres sur lesquels je me suis
le plus appuyée méritent néanmoins d’être cités car ils se sont révélés
inestimables et méritent sans hésitation d’être lus par tous ceux qui
souhaitent en apprendre davantage sur cette période incroyable dont je n’ai
fait qu’effleurer la surface. Ces travaux sont la stupéfiante Histoire des
croisades de Steven Runciman (Tallandier) ; The Templars, de