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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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rocher, c’est le diable pour les en décoller !
    — En votre opinion, lequel des trois ambassadeurs in
partibus des Rohan est le mieux en cour à York House ?
    — Le plus méchant et le plus acharné.
    — Soubise ?
    — Soubise, hélas ! Quand je m’étonne auprès des
ministres anglais des extraordinaires caresses qu’on lui fait céans, ils
recourent en riant à ces discours extravagants dont les Anglais sont
raffolés : « On ne peut tout de même pas renvoyer Soubise, pieds et
poings liés, en France ! »
    — Monsieur, dis-je, opinez-vous qu’il y ait de fortes
chances pour que le roi sérénissime dépêche sur nos côtes, pour y débarquer,
une puissante armada ?
    — J’opine que oui. Mais, dans ce cas, le cardinal
voudra savoir si les préparatifs sont déjà en cours.
    — C’est là le hic ! Pour tâcher de le vérifier,
j’ai dépêché deux espions, l’un à Plymouth, l’autre à Portsmouth, mais les
ports anglais montent bonne garde : l’un et l’autre, avant même d’être
parvenus jusqu’aux quais, ont été arrêtés et serrés en geôle.
    Monsieur du Molin m’envisagea alors avec un sourire et dit
au bout d’un instant :
    — Comte, la seule personne à pouvoir vous renseigner
là-dessus, c’est Buckingham. Et puisque vous l’allez voir, vous devriez le lui
demander.
    — Monsieur, vous vous gaussez ! Pensez-vous qu’il
me le dira ?
    — Ce n’est pas impossible si vous savez le prendre.
    — Et comment le prend-on ?
    — Avec la plus exquise courtoisie, un beau cadeau de
France et autant de compliments que si vous vous adressiez à la plus belle des
dames. Si Buckingham vous prend en amitié, il s’épanchera comme un enfant.
    Là-dessus, avec mes mercis et mes fermes et sincères
promesses de le servir auprès du cardinal, je quittai Monsieur du Molin, fort
content de ses évidentes vertus et fort inquiet pour mon roi, tant la guerre
paraissait proche.
    — Monsieur le Comte, me dit Nicolas tandis que nous
regagnions l’hôtel de My Lady Markby, je vous vois tout songeux. Me
permettez-vous, pour une fois, de contrevenir à mon devoir de discrétion et de
vous poser questions ?
    — Parle ! dis-je, fort étonné.
    — Monsieur le Comte, j’ai aperçu, en rangeant vos
bagues, un coffret en or fort bien ouvragé. Peux-je vous demander ce qu’il
contient ?
    — Un parfum italien que je me propose d’offrir à My
Lady Markby, le jour de notre département.
    — Coffret en or compris ?
    — Cela s’en va sans dire.
    — Monsieur le Comte, peux-je vous faire une
suggestion ?
    — Je suis tout ouïe.
    — Offrez parfum et coffret au duc de Buckingham. Et
faites présent à My Lady Markby d’un des bijoux que vous portez. Elle en sera
fort touchée.
    — Eh bien, j’y vais songer, dis-je. La grand merci à
toi, Nicolas. Ta tête, comme disent les Anglais, est bien vissée sur tes
épaules. Et à l’intérieur, il n’y manque pas une mérangeoise.
    À cet éloge, Nicolas rougit comme un jouvenceau – qu’il
était de reste, puisqu’il n’avait pas vingt ans.
    Le lendemain, vêtu de ma plus belle vêture, ma plus belle
épée au côté et la croix de l’Ordre du Saint-Esprit pendant à mon cou, je fus
introduit, sur les trois heures de l’après-dînée à York House. Dès notre
entrant, nous ne faillîmes pas à être regardés en chemin, pour ce que notre
vêture était française, les gentilshommes anglais portant des hauts-de-chausse
bien plus collants que les nôtres. Toutefois, ces regards furent fort discrets
et je n’y discernai pas la moindre hostilité. Il est vrai que l’expédition
contre la France était très impopulaire, personne en Angleterre, ni chez les
gentilshommes, ni chez les commoners [72] n’en voyant la nécessité. Les dames
que nous croisâmes furent un tantinet plus curieuses, non par la durée de leurs
regards, mais par leur intensité. De notre côté, nous les regardâmes « à
la française », comme on dit céans, c’est-à-dire sans dissimuler l’intérêt
et le plaisir que nous trouvions à les envisager.
    La salle où le géantin huissier qui nous précédait nous
introduisit et nous laissa seuls, refermant l’huis derrière lui, nous parut
grande et fort belle en la profusion de ses dorures, embellie en outre par un
magnifique tapis de Perse qui recouvrait le parquet. Mais ce qui attira
incontinent mon attention fut une sorte d’autel drapé de brocart d’or sur
lequel –

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