Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
stupide.
    — Mais, brave Hörner, je le crois aussi, dit Toiras
avec bonhomie. Et comment savez-vous que c’est au prince d’Orange qu’on doit
cette tactique-là ?
    — Monsieur le Gouverneur, dit Hörner comme effrayé à
l’idée d’avoir à parler de soi, j’ai servi jadis sous le prince d’Orange.
    Rien ne le pouvait hausser davantage dans l’estime de Toiras
que cette confidence, lequel, capitaine aux gardes depuis 1620, avait servi sur
tous les fronts où Louis avait dû combattre les rebelles à son trône, et
toujours avec vaillance et sagacité.
    Une fois demeuré seul avec Hörner, je lui dis :
    — Opinez-vous que le train de tortue des Anglais fut
une faute ?
    — Bien moins grave, Herr Graf, que celle qu’ils
ont commise en ne prenant pas le Fort de la Prée, ce qu’ils pouvaient faire
sans coup férir. Néanmoins, en temps de guerre comme en temps de paix, c’est
toujours une faute que d’agir stupidement.
    Il réfléchit là-dessus un petit, puis cueillant au fond de
sa remembrance une de ces fleurs de sagesse dont sa cervelle était si prodigue,
il me la tendit avec sa gravité coutumière et dit :
    — Comme je dis toujours, Herr Graf, « le
bon sens avant la routine !… »
    Enfin, les Anglais vinrent. Débarqués le vingt et un
juillet, ils arrivèrent sous nos murs le trente juillet, et comme on s’y
attendait, ils se mirent incontinent à creuser des fossés autour de notre
citadelle côté terre, en même temps qu’ils disposaient côté mer un cercle serré
de vaisseaux, pour empêcher secours et vivres de parvenir jusqu’à la petite
anse que Toiras avait, à cet effet, aménagée dans nos murailles.
    J’ai déjà parlé de cette petite anse, bien entendu
artificielle, que Toiras avait pratiquée dans ses murailles, mais je vais
tâcher de la décrire avec plus de précision, étant donné le rôle
importantissime qu’elle joua dans la suite du siège.
    Ce musoir, comme l’appelaient nos marins, était grand
comme un mouchoir de poche et ne pouvait admettre que de petits bateaux, mais
le plus habile de cette construction résidait dans le fait que, du large, un
vaisseau ennemi ne pouvait en discerner l’entrant. Car il était fermé non point
par un môle ou une jetée, mais par une muraille crénelée identique à nos autres
murailles, mais construite plus en avant d’elles, dans la mer, au lieu que les
autres l’étaient sur le rocher. Ce décalage lui permettait de ménager sur le
côté un passage invisible par où un bateau pouvait passer dans le refuge. Et
dès lors qu’il y était entré, il s’y trouvait tout à la fois à l’abri de la
mer, des vues de l’ennemi et de ses canonnades.
    Si musoir, comme je crois, vient de muser , qui
veut dire perdre son temps, ce serait tout à fait injuste de l’appliquer aux
émerveillables marins qui, ayant passé au travers d’une flotte ennemie,
auraient encore, parvenus à sécurité, à assurer le déchargement des vivres.
    Quand j’ai dit que les Anglais, à leur survenue devant nos murs,
se mirent à creuser des fossés autour de la citadelle, j’aurais dû dire autour
des fossés que les Français creusaient eux-mêmes, afin d’éloigner d’eux le plus
possible les boulets de l’ennemi tout en se mettant à l’abri de ses mousquets.
De leur côté, les Anglais prirent soin de commencer leurs tranchées hors de la
portée de nos armes, et par surcroît de prudence derrière leurs palissades. Ils
agirent d’autant plus sagement que nous étions alors à demi enterrés, alors
qu’ils commençaient à peine leurs fouilles.
    Je sus plus tard que lorsque leur première tranchée eut
atteint la profondeur voulue, My Lord Buckingham y descendit le premier –
ce qui n’allait pas sans courage – et fit le tour de la citadelle, au
moins jusqu’à la mer, en braquant à plusieurs reprises sa longue-vue au-dessus
du parapet. À son retour de cette tournée, il montra plus de bon sens que ses
colonels et déclara qu’il ne croyait pas possible d’emporter la citadelle ni en
la bombardant, ni en lançant contre elle un assaut avec échelles et grappins. À
son sentiment on ne pourrait la réduire que par la famine. Toutefois, en
flagrante contradiction avec cette déclaration si perspicace, il nous livra, au
cours de ce siège, trois assauts, qui tous les trois échouèrent en causant de
lourdes pertes à l’assaillant. Et pourquoi Buckingham fut amené à agir ainsi au
rebours de ses propres

Weitere Kostenlose Bücher