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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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C’est eux qui demandèrent à My
Lord Buckingham de leur permettre de faire la preuve de leur vaillance, dans
les feux du combat.
    Il était difficile à My Lord Buckingham de refuser leur
requête sans s’aliéner à La Rochelle les sympathies de ses plus chauds
partisans. Il décida donc un assaut de nuit contre la citadelle, mais ne lui
donna qu’un objectif limité. Il devait atteindre le puits fortifié que nous
défendions au pied de ladite citadelle, et le puits atteint, y jeter des
bouteilles de poison. Les huguenots français furent le fer de lance de cette
attaque, tandis que canons et mortiers anglais faisaient pleuvoir boulets et
pierres sur le fort.
    Comme il fallait s’y attendre, comme Buckingham se peut
l’avait prévu, les huguenots rochelais qui marchaient en première ligne furent
hachés par notre mousquetade et périrent presque tous. Du fait qu’ils étaient
français, nos soldats ressentirent quelque mésaise d’avoir dû remplir ce cruel
devoir de leur tirer sus. Et bien qu’il ne voulût pas le montrer, et qu’il
cachât son émeuvement sous une explosion de colère, Toiras en fût lui aussi affecté.
    — L’ honneur  ! cria-t-il, l’ honneur  !
Et où en sont-ils meshui, ces pauvres écervelés avec leur honneur  ?
Et quel diantre d’honneur peut-il y avoir à se battre contre son
roi ?
     
    *
    * *
     
    Bien convaincu après ce combat malheureux qu’il ne pourrait
prendre la citadelle que par la famine, My Lord Buckingham ne tenta pas de
nouvel assaut avant de longues semaines, lesquelles pour nos troupes comme pour
les siennes furent, en effet, longuissimes. Et d’autant qu’en ce mois d’août la
chaleur et la touffeur des murs étaient insufférables.
    Désommeillé un matin par quelque noise à la porte de ma
maison, je me levai, me vêtis à la diable et allai voir. Et je trouvai Hörner
et ses hommes fort occupés à bâtir une niche contre notre maison, et entendant
bien que c’était pour abriter Zeus du soleil et surtout des vents toujours très
violents sur l’île, je m’étonnai qu’il la fit de la taille d’un homme.
    — La niche, Herr Graf, dit Hörner, n’abrite pas
seulement Zeus, mais le tonneau qui reçoit l’eau de la pluie de notre toit, et
dont Zeus est le gardien. C’est pourquoi, au rebours d’une niche ordinaire,
elle est fermée au-dehors, et ne s’ouvre qu’au-dedans. Si quelque mauvais
garçon s’aventure à nous rober de l’eau, Zeus éclatera en abois furieux, et au
travers de cette meurtrière oblique que j’ai fait pratiquer dans le mur, nous
pourrons tenir en joue le ou les robeurs et décourager leur attentement.
    — En sommes-nous déjà là ? dis-je, fort déquiété.
    — Je le crains, Herr Graf. J’ai mesuré deux
jours de suite le niveau d’eau du puits intérieur et du puits extérieur, et
dans les deux cas, j’ai observé qu’il avait baissé de façon alarmante. J’en ai
conclu qu’avec la chaleur qu’il fait nous tirons plus d’eau que les puits n’en
peuvent fournir.
    — Hörner, dis-je, en avez-vous averti Monsieur de
Toiras ?
    — Cela n’a pas été nécessaire, Herr Graf. Bien
le sait-il déjà. Il a tôt ce matin ordonné de rationner en eau les chevaux et
les hommes, et de faire garder les puits nuit et jour par des soldats armés.
    — Il redoute donc que d’aucuns aillent jusqu’à user de
violence pour boire plus que leur dû.
    — Hélas, dit Hörner, peu d’hommes peuvent résister à la
soif. « La soif avant la faim », Herr Graf ! Mais la faim zum Unglück [85] viendra elle aussi…
    — S’il pleut, dis-je, ne serait-ce pas dommage que
notre tonneau déborde ?
    — C’est que j’ai prévu un deuxième tonneau, dit Hörner
en baissant les yeux d’un air gêné qui laissait entendre qu’il était à la fois
trop fier et trop modeste pour aimer qu’on le félicitât.
    Je me contentai de lui donner une petite tape amicale sur
l’épaule et, le quittant pour faire un tour sur les remparts comme je faisais
quotidiennement afin de jeter un œil sur la mer et le cercle des vaisseaux
anglais qui hors de portée de nos canons nous barrait le pertuis breton, je
sentis tout soudain le souci du proche avenir me mordre le cœur plus qu’il
n’avait fait jusque-là. L’instant d’après, fort bizarrement, une petite
gausserie me traversa l’esprit, que j’ai presque vergogne à répéter tant elle
me parut saugrenue : je me dis que lorsqu’on coucherait Hörner dans

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