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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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airs vifs et gais. C’était là, à n’en point douter, la
chaloupe amirale que Buckingham empruntait, quand sa flotte était à l’ancrage,
pour passer de vaisseau en vaisseau afin de préciser ses commandements ou
passer ses revues. J’entendis bien quel grandissime honneur le duc me faisait
là. Il me laissa pourtant insensible. Dans le luxe insolent de la chaloupe
amirale, en cette guerre qui n’était pas toute, et pour tous, en dentelles, je
discernais un relent d’égoïsme qui me ragoûtait peu.
    J’avais admiré la commodité du logement sur la flûte
hollandaise de mes frères à Nantes, mais à le comparer au château de poupe du Triomphe, celui de mes cadets n’était qu’une chaumine. Ce qui pourtant me frappa de
prime, ce ne fut pas tant sa splendeur que la présence en ces lieux, annoncée
d’ailleurs par Buckingham lui-même à Londres, du grand tableau d’Anne
d’Autriche peint pour lui par Rubens (en omettant sur son ordre l’anneau
nuptial). Devant ce tableau, disposé comme pour lui rendre un éternel hommage,
je retrouvai le fameux autel revêtu de velours rouge avec ses deux candélabres
en or, ses bougies parfumées et le coffret contenant le flacon de parfum
italien que j’avais donné à York House au duc de Buckingham. Je m’apensai alors
non sans quelque gausserie sous cape que je n’apportais meshui à Buckingham,
non pas un cadeau véritable, mais la promesse d’un cadeau que Monsieur de
Toiras comptait bien ne lui jamais bailler, pas plus d’ailleurs que la
possession de l’île. Je demeurai seul quelques instants avec Nicolas dans le
château de poupe où le sergent anglais m’avait introduit et, ne sachant si
j’étais observé, je me résolus à faire ce que j’eusse fait de toute manière, si
j’étais passé devant ledit tableau au Louvre. Je me génuflexai devant lui.
    Au moment même où je faisais cette révérence, Buckingham
pénétra dans la pièce et parut aussi satisfait de me voir en posture si
déférente que si j’avais reconnu par là même qu’Anne d’Autriche n’était plus la
reine de mon roi mais la sienne. On était bien loin du compte ! À mon
sens, il y avait beaucoup de comédie et d’affectation dans l’étalage de ces
sentiments-là. Je me repris toutefois et, m’avançant vers le duc, je voulus le
saluer, mais il m’arrêta à mi-chemin et me fit l’honneur, tout à fait immérité,
de me bailler une forte brassée, non sans avoir glissé sur Nicolas un regard
qui me donna à penser qu’il eût mille fois préféré le serrer contre lui, plutôt
que ma propre personne.
    — Ah, Comte ! dit-il dans son français parfait,
comme je suis heureux de vous encontrer, même au mitan de ce chamaillis. Voici
Sir John Burgh, dit-il en me présentant un gentilhomme qui le suivait. C’est le
meilleur de mes colonels et j’en ai d’excellents.
    Sir John Burgh me fit un salut des plus roides, auquel
toutefois je répondis aussi courtoisement que je pus. À vrai dire, il ne me
déplaisait point. Ses traits, assurément, n’étaient pas aussi délicatement
ciselés que ceux de My Lord Buckingham et il était moins grand et moins svelte.
Mais son œil bleu, son regard franc, sa mâchoire forte et sa membrature carrée
lui donnaient un air qui me ramentevait Toiras, mais un Toiras qui eût perdu
tout à la fois sa verve et sa gaieté gasconnes. Car, répandue sur tous les
traits de John Burgh, se lisait une sorte de maussaderie vertueuse, laquelle
avait été, se peut, en ses vertes années, posée comme une sorte de masque sur
son visage, mais qui depuis s’était si fort incrusté en la chair qu’il ne lui
était plus possible de l’en détacher, quand bien même il l’eût voulu.
    — My Lord, dis-je, en me tournant vers Buckingham et en
tirant la lettre-missive de Toiras de la poche de mon emmanchure, j’ai là un
message de Monsieur le gouverneur de l’île de Ré que j’ai mission de vous
communiquer.
    Et ce disant, je le lui tendis.
    — Lisez-la, Comte, dit Buckingham. Je la traduirai
ensuite à Sir John Burgh.
    Je pensai d’abord qu’il craignait que je le contaminasse
avec un papier empoisonné, mais c’était là mœurs italiennes, et il y avait
belle heurette que depuis la mort de Catherine de Médicis, le poison avait
disparu de la Cour de France. Buckingham avait, en fait, une raison tout autre
pour choisir cette procédure et je n’allais pas faillir à m’en apercevoir.
    Je lus alors d’une voix claire et

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