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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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citant l’Évangile et Marie-Madeleine, il méprisa ma théologie du
haut de la sienne et poursuivit d’une voix tonnante sa terrible persécution.
    Les résultats ne s’en firent pas attendre. D’effrontés
galapians qui suivaient le catéchisme lancèrent des pierres à Célestine. Le
boulanger refusa de lui vendre du pain. On lui tua ses poules. On lui vola sa
chèvre. Et pour finir, une main pieuse, la nuit, mit le feu à sa chaumière.
    Par miracle, elle en réchappa. Mais ce miracle fut lui-même
jugé diabolique par Monsieur Lefébure. Comme on s’en ramentoit, il était expert
en démonologie. Il me vint trouver et demanda, exigea même, le bannissement de
la pécheresse. L’arrogance de ce jeune clerc me laissa béant. Je recommençai
mon sermon, invoquai la merveilleuse compassion de Monsieur Vincent qui eût dû
être son modèle puisqu’il avait été son maître. Tout fut vain. Monsieur
Lefébure n’était point sot, mais il ne possédait que des vérités absolues et sa
logique était implacable. Je suis bien assuré qu’il pensait en son for que,
puisque le pape devait primer sur les rois, de la même manière, à Orbieu, son
pouvoir, étant spirituel, devait l’emporter sur le mien.
    Je l’éconduisis pour la première fois roidement sans que sa
crête fût le moindrement rabattue. Et comme la pauvre Célestine était sans
toit, je lui cédai une masure désoccupée qui se dressait sur mon domaine propre
et tant pour lui tenir compagnie que pour la protéger des galapians
persécuteurs, je lui baillai un chien.
    Un mois plus tard, Célestine le trouva mort sur le seuil de
son gîte, dans une posture convulsive. Ce que les flammes n’avaient pu faire,
cet empoisonnement l’accomplit : Célestine se mit sur sa paillasse, ne
mangea plus et mourut.
    Mais sa mort, chose extraordinaire, n’arrêta pas le combat.
Comme elle n’avait rien laissé derrière elle que ses os, j’offris de payer à
Monsieur Lefébure l’ouverture de la terre chrétienne pour y mettre son corps.
Il refusa tout à plat de la recevoir en son cimetière « avec les bons
chrétiens » et je dus traiter avec le curé de Montfort l’Amaury pour qu’il
l’admît dans le sien. C’était un curé à l’ancienne mode. Il me suffit de lui
graisser le poignet à sa suffisance et Célestine put enfin reposer.
    Monsieur Lefébure apprit cette transaction, en fut tout
transporté d’indignation et, perdant toute prudence, eut le front, le dimanche,
en l’homélie par laquelle il terminait sa messe, de la dénoncer en termes à
peine voilés.
    C’était plus que je n’en pouvais souffrir. Je me levai et
descendis les degrés qui séparaient le chœur des fidèles. Monsieur de
Saint-Clair et Laurena se levèrent à leur tour et m’emboîtèrent le pas, suivis
avec un temps de retard par Monsieur de Peyrolles, non qu’il fût dans le fond
d’accord avec moi, mais parce qu’il ne pouvait demeurer, sans paraître
approuver l’insolence de Lefébure.
    Je sortis de l’église et je m’attardai quelque peu sur la
place pour voir ce qui s’allait passer. Bon nombre des manants quittèrent
l’église à leur tour, les uns la tête redressée et le front sourcilleux, les
autres la tête basse et marchant de côté comme des crabes. Une bonne moitié
d’Orbieu prenait donc parti, peu ou prou, pour son seigneur. Les uns très à la
bravade, les autres presque en tapinois. Monsieur Lefébure, avec les meilleures
intentions du monde, avait voulu mettre de l’ordre dans sa paroisse. Il n’avait
réussi qu’à la couper en deux.
    Le fer tout chaud encore, je ne laissai pas aussitôt de le
battre. Je dépêchai un chevaucheur à l’évêque, avec une lettre le priant de me
recevoir, s’il était possible, dans l’après-dînée, ce qu’il accepta aussitôt.
    Ce Monseigneur était un cadet de grande maison, apparenté
aux Guise. Je l’avais rencontré deux ou trois fois en l’hôtel de ma bonne
marraine et il n’ignorait pas de qui j’étais le fils.
    Je le trouvai encore à son dîner, qui me parut tout à fait
fastueux, mais je refusai l’invitation à le partager qu’il me fit aimablement.
Il me pria de m’asseoir et me traita comme un parent, ce que j’étais un peu en
quelque sorte, quoique « de la main gauche ». L’évêque était jeune,
charmant, étourdi et sa bouche étant si active, il ne m’écouta que d’une
oreille et n’entendit que peu de choses à mon histoire de « putain

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