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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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recommandable.
    — Je dirais même, reprit Monsieur de Peyrolles, qu’elle
est malencontreuse.
    — On pourrait, en effet, la considérer comme telle.
    — Un pasteur devrait être un modèle pour son pieux
troupeau.
    — Ce serait, dis-je, préférable.
    — Et ne pas l’induire au péché en donnant le premier le
mauvais exemple.
    — Quoique à la vérité, Monsieur mon ami, nos manants
n’aient point besoin d’exemple pour pécher par la chair.
    — Mais un pasteur est un pasteur ! Il doit veiller
à la vertu de ses ouailles ! Et comment le peut-il si ?…
    — En effet, comment le peut-il si ?…
    — Je tiens donc qu’il faut mettre le fer en cet
abcès ! conclut avec force Monsieur de Peyrolles.
    À cette image, je levai les sourcils et je fis la moue.
    — C’est-à-dire, Monsieur mon ami ?
    — Porter l’affaire devant Monseigneur l’évêque.
    À cela je répondis ni mot ni miette, mais, les yeux baissés,
je passai la main sur le chêne poli de la table qui nous séparait. Monsieur de
Peyrolles, s’étant montré tout à fait impénétrable à mes réticences dans le
court entretien que nous venions d’avoir, je voyais bien qu’il allait falloir
en agir avec lui plus roidement et arrêter franc et net avant qu’elle ne prenne
trop d’élan cette avalanche de bonnes intentions dont l’enfer est si souvent
pavé.
    — Monsieur mon ami, dis-je, pardonnez-moi de vous
parler à la franche marguerite. En tant que seigneur d’Orbieu et premier
paroissien de son église, je trouverais difficile de m’associer à cette
démarche.
    — Comment cela, Monsieur le Comte ? dit Monsieur
de Peyrolles en ouvrant tout grand ses yeux.
    — Je vais vous le dire, Monsieur mon ami, si vous me le
permettez. Notre évêque est un cadet de grande famille nommé par le roi pour
faire honneur à sa lignée. Rien, et surtout pas la piété, ne le prédestinait à
une charge où il voit, comme la plupart de nos nobles prélats, non pas un
sacerdoce, mais un bénéfice. Assurément, il est fort prompt au moment des
récoltes à envoyer son décimateur prélever la dîme sur nos manants. Mais cette
dîme, fort lourde pour ces malheureux, il la détourne presque entièrement de
ses fins. Elle est supposée aider au soulagement des pauvres. Les soulage-t-il ?
Jamais ! C’est vrai que sous la pression de Louis XIII, la portion
congrue que les évêques donnent aux curés a un peu augmenté. Mais en revanche,
notre évêque se refuse formellement à entretenir, comme il le devrait, les lieux
du culte. Il est resté sourd aux appels désespérés de Séraphin quant au
délabrement de l’église d’Orbieu et c’est moi qui, de mes deniers, ai dû
refaire la toiture qui menaçait de s’écrouler. Il y a pis encore, Monsieur mon
ami. Notre évêque ne met jamais les pieds dans les églises villageoises de son
diocèse, fût-ce même pour la confirmation solennelle des communiants.
    — Tout cela est vrai, hélas, dit Monsieur de Peyrolles.
Il reste que Monsieur Séraphin fait scandale.
    — Auprès de qui ? De nos manants ? N’en
croyez rien. Là où nous voyons le péché, ils voient la nature. En bons Gaulois,
ils s’en gaussent. J’ai ouï dire qu’à messe ils se donnent de petits coups de
coude, quand Séraphin, dans son prêche, dénonce les garcelettes dont le
décolleté montre un peu trop les tétins.
    — Si j’entends bien votre propos, Monsieur le Comte,
dit Monsieur de Peyrolles, d’un ton quelque peu pincé, nous devons cligner
doucement les yeux sur les faiblesses de Séraphin.
    — Monsieur mon ami, dis-je en me levant et, en
m’approchant de lui avec un aimable sourire, je passai mon bras sous le sien,
familiarité qu’il parut ressentir comme un grand honneur. À parler d’homme à
homme, voici ce que j’opine. Monsieur Séraphin a ses petites faiblesses. Il ne
se peut que nous n’ayons les nôtres. (Ici, il me parut que Monsieur de
Peyrolles rougissait quelque peu.) Mais cet écart mis à part qui est affaire
entre Monsieur Séraphin et son confesseur, lequel est le curé de Montfort
l’Amaury (en fait, j’ai ouï dire qu’ils se confessaient et s’absolvaient
mutuellement), Monsieur Séraphin, dis-je, est un prêtre qui, en conscience et
diligence, remplit les devoirs de sa charge, alors que notre invisible évêque
tourne visiblement le dos à toutes ses obligations. Je trouverais donc très peu
équitable de demander à ce prélat qui fait si mal son

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