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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Mais rassurez-vous, Madame, elle ne peut
qu’aboutir : le roi en a chargé Richelieu.
    — Ah ! Je suis heureux de l’apprendre !
s’écria Monsieur de Peyrolles. On dit que le cardinal est un homme d’une
extraordinaire dextérité.
    — En effet, dis-je, il barguigne à merveille. Quand le
roi d’Angleterre a envoyé comme négociateur Lord Kensington et le comte de
Carlisle, Richelieu a beaucoup fait avancer les choses en les jouant l’un
contre l’autre. Mais sa principale force, à mon sentiment, est qu’il ne fuit
pas à se donner peine, quand il s’agit de s’informer. Déjà en 1616, quand
Concini l’avait nommé ministre, Richelieu avait été stupéfait d’apprendre que
le secrétariat des Affaires étrangères en France ne comportait pas d’archives,
vous avez bien ouï ! Il ne comportait pas d’archives ! Aussitôt,
Richelieu avait écrit à tous nos ambassadeurs, je dis bien, à tous, pour leur
demander quelles instructions ils avaient reçues depuis qu’ils étaient en
poste. Et il recommença la même enquête méthodique et minutieuse quand Louis
l’appela en son Conseil.
    Mieux même, quand les réponses qu’il reçoit ne le satisfont
pas, le cardinal n’hésite pas à envoyer sur place, à ses frais, un homme de
confiance, pour compléter et vérifier ses informations. Le résultat, c’est que
Richelieu ne parle jamais d’une affaire sans en connaître à la perfection les
tenants et les aboutissants. Et il en parle bien, avec éloquence, avec une
clarté exemplaire, sans jamais rien omettre, et avec une précision qui ne peut
procéder que d’une étude approfondie des faits. Après quoi, il propose tout un
jeu de solutions dont il pèse le pour et le contre avec le dernier scrupule.
Quel contraste avec les ministres barbons qui l’ont précédé, paresseux,
bavards, superficiels et presque toujours mal instruits des réalités politiques
des royaumes étrangers.
    — Ah ! Comme je serais heureuse que ce mariage se
fasse enfin ! s’écria Laurena de Peyrolles qui, jugeant de toute
matrimonie par son propre mariage, n’y voyait que les roses et les délices de
son vert paradis.
    Et peut-être la pauvre princesse Henriette, qui avait
attendu tant d’années pour son beau prince, pensait-elle de même en sa candide
bonne foi ! Hélas ! Que cruel fut son désenchantement ! Et dans
quel atroce enfer descendit-elle par degrés jusqu’à ce que la tête de ce royal
époux, qui savait si peu se faire aimer et de sa femme et de son peuple, roula,
tranchée par le bourreau, sur la poussière de l’échafaud public.
    Le dîner fini, Monsieur de Peyrolles me pria de lui faire
l’honneur de m’entretenir au bec à bec. J’acquiesçai aussitôt et, laissant à
table les jeunes époux, je le précédai dans mon cabinet aux livres et lui
désignai une chaire à côté de la table de lecture.

— Monsieur le Comte, dit-il d’une voix grave et basse,
avec votre permission, j’entrerai tout de gob dans le vif du sujet. Avez-vous
ouï ce qui se dit dans le village au sujet de notre curé Séraphin ?
    — À quel égard, Monsieur mon ami ?
    — À l’égard de sa nièce ou de la personne qu’il donne
pour telle.
    — Je l’ai ouï, dis-je laconiquement.
    Monsieur de Peyrolles hésita et je remarquai, sans quelque
secret ébaudissement, combien ce grand et gros homme, si bien assis dans la vie
et si assuré de sa fortune, de son assiette et de ses opinions, se trouvait
embarrassé quand il s’agissait de parler de la chair – cette chair dont
pourtant il ne faillait pas.
    — Ne trouvez-vous pas, Monsieur le Comte, que cette
personne qui se prénomme Angélique, prénom fort mal approprié, si ce qu’on dit
est vrai, est un peu jeune pour être la servante d’un prêtre ?
    — En effet.
    — C’est qu’elle n’a pas l’âge canonique !
    — C’est vrai. Toutefois, elle est la parente de
Monsieur Séraphin et on ne peut y trouver à redire.
    — Mais est-elle vraiment sa nièce ?
    — Comment le savoir ?
    — Je vous avouerais, reprit Monsieur de Peyrolles, avec
un certain air de pompe, que je trouve cette situation disconvenable et
déquiétante.
    Les deux « d » de ces deux adjectifs parurent ne
pas lui déplaire car, ayant poussé un soupir pour donner plus de poids à ce
qu’il allait dire, il les répéta.
    — Oui, Monsieur le Comte, je trouve la situation
disconvenable et déquiétante.
    — En tout cas, dis-je, elle n’est pas

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