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Le Lys Et La Pourpre

Le Lys Et La Pourpre

Titel: Le Lys Et La Pourpre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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contournait
par une haie épaisse et haute, percée en son centre d’une ouverture assez large
pour laisser passer un cheval et habituellement fermée par une barrière en
bois. Les cibles – des planches de six pouces de large, de la hauteur d’un
homme – étaient dressées à trente toises (soixante mètres) environ de la haie
et, derrière ces planches, courait une palissade continue qui avait pour
fonction d’arrêter les carreaux d’arbalète et les pierres des frondes, si ni
l’un ni l’autre n’atteignaient son but. Sur les cibles noires étaient
grossièrement dessinés en peinture blanche une tête d’homme et plus bas un
cœur.
    Monsieur de Saint-Clair rougit de colère et de vergogne en
pénétrant sur le champ de tir : il n’y trouva que la moitié à peine de ses
effectifs : quatre arbalétriers et six frondeurs.
    — Qu’est cela ? Qu’est cela ? s’écria-t-il.
Où sont les autres ? À s’acagnarder au lit ou à jouer au palet !
Yvon ! (Yvon était notre cabaretier et, de tous nos manants, le plus
assidu au tir.) Cours me secouer ces escouillés sur leur paillasse et fais-les
se lever ! Dis-leur que Monsieur le Comte est là, Monsieur de Peyrolles
aussi et qu’il leur en cuira, s’ils ne sont pas là le temps de dire :
« gibet ! »
    C’était façon de dire militaire, car jamais Monsieur de Saint-Clair
n’avait peu ou prou rossé ou pendu personne. En attendant, Monsieur de
Saint-Clair fit tirer l’un après l’autre les frondeurs. Le vigoureux pivotage
de bras autour de l’épaule par lequel ils donnaient son impulsion à la pierre
contenue dans la fronde me parut excellente mais insuffisante la précision du
jet : aucune des planches ne fut atteinte.
    — Ils ne sont que cinq meshui, dit Saint-Clair. À
l’ordinaire, ils sont douze. Et la densité des projectiles aujourd’hui n’est
pas suffisante.
    — Saint-Clair, dis-je, rapprochez les frondeurs de la
moitié du terrain et faites tirer simultanément deux frondeurs sur la même
cible, l’un en haut et l’autre en bas.
    Dans les conditions que j’avais dites, le tir recommença et
s’avéra bien plus satisfaisant. Il m’apparut d’évidence que quinze toises
(trente mètres) était une longueur qui convenait mieux au lancement précis
d’une lourde pierre et, d’un autre côté, mettre deux frondeurs sur la même
cible créait une forte émulation. Sur les trois cibles, trois furent atteintes
et l’une si violemment que la planche oscilla et faillit tomber.
    — Voyons maintenant, dis-je, les arbalétriers.
    — À quinze toises, Monsieur le Comte ?
    — Non, non, à trente. Ils ont une visée sur leur arme
et ne donnent pas, eux, l’impulsion par la force de leurs bras.
    Saint-Clair donna à chacun des quatre arbalétriers deux
carreaux qu’ils glissèrent, l’un dans leur ceinture et l’autre dans la rainure
de leurs armes. Après quoi, ils tendirent la corde avec le cric, visèrent
longuement et tirèrent. Tous les carreaux s’allèrent ficher dans les planches
en vibrant.
    — Saint-Clair, dis-je, est-ce que les absents sont de
cette force ?
    — Nenni, ces quatre-là sont les meilleurs et aussi les
plus assidus.
    — Ils sont les meilleurs, parce qu’ils sont les plus assidus,
dit Monsieur de Peyrolles d’un air fin.
    — Mais le meilleur de tous, reprit Saint-Clair, est le
cabaretier.
    — Le cabaretier ? dit Monsieur de Peyrolles.
    — Oui-da, Monsieur mon beau-père.
    — C’est donc un cabaretier sobre, dit Monsieur de
Peyrolles.
    Mais à cela, Monsieur de Saint-Clair, qui paraissait mal
souffrir les clabauderies de son beau-père sur le champ de tir, ne répondit ni
mot ni miette et, se tournant vers ses hommes, il cria d’une voix de
commandement :
    — Arbalétrier ! Chargez le deuxième carreau !
    — En attendant que ce soit fait, Monsieur le Comte, dit
Monsieur de Peyrolles, si nous tirions nous-mêmes ?
    — Mais bien volontiers, dis-je, voulez-vous
commencer ?
    — Nenni, nenni, je tirerai le dernier. Monsieur le
Comte, de grâce, à vous l’honneur !
    Saint-Clair, qui avait disposé les pistolets sur une grosse
pierre, m’en apporta un, donna un autre à son beau-père et prit le sien. Tout
cela d’un air quelque peu impatient. Il ne se remettait pas du chagrin de
n’avoir pu réunir que la moitié de ses hommes et la présence de Monsieur de
Peyrolles le prenait très à la rebelute.
    Je ne possédais pas l’adresse émerveillable de Louis

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