Le maréchal Ney
son mari et, grâce à son frère devenu un personnage important, épousa en 1807 un certain Monnier, qui fut receveur général des finances.
Il est incontestable que le plus éveillé des trois enfants était Michel, né le 30 janvier 1769. Ce fut, comme bien des garçons de son âge, un franc galopin, mais ses parents, frappés par son intelligence, décidèrent de le soutenir. Leur modeste aisance leur permettait de lui faire faire des études sérieuses, et Pierre Ney l’inscrivit au collège des frères augustins à Sarrelouis. Il y reçut des bases solides et se vit même enseigner le latin et la théologie. Les Ney le voyaient déjà faire carrière dans la basoche, sûrement le barreau, ou peut-être, s’il y avait la vocation, dans l’Église. Leurs ambitions demeuraient modestes et ils eurent raison, car le jeune Michel ne se montra pas un élève des plus brillants. Peu studieux, plutôt chahuteur, il ne cachait pas son admiration pour les soldats qu’il voyait défiler dans les rues de Sarrelouis au retour du champ de manoeuvres. En 1766, la Lorraine devint définitivement française. Cela ne changea pas grand-chose à la vie quotidienne de ses habitants, qui continuaient à se sentir avant tout lorrains et à s’exprimer en allemand. Cette existence était douce, malgré la rudesse de certains hivers comme celui de 1785, où le vin gela dans les tonneaux. La vie demeurait paisible, mais le soir à la veillée Pierre rabâchait ses souvenirs de la guerre de Sept Ans. Il avait suffisamment goûté aux rudesses de cette activité pour ne pas vouloir que son fils cadet prît la même voie. Du reste, il était sans illusions et savait pertinemment que, venant d’une famille de petits artisans, son héritier dans l’armée française n’aurait aucune chance, quel que fût son mérite, de dépasser le grade de sous-officier. Il y traînerait une existence morne avec une solde plutôt maigre, des joies rares et comme seule vie sentimentale la fréquentation des filles à soldats.
Mais comme Michel continuait à se montrer un écolier médiocre, il le retira à treize ans, en 1782, du collège et le plaça chez M e Valette, avocat ou notaire à Sarrelouis, comme commis aux écritures. Étant le dernier arrivé dans l’étude, le jeune Ney commença tout en bas de l’échelle, comme saute-ruisseau. Néanmoins, ses années d’écolier lui avaient été profitables, car toute sa vie il mania sans faute la langue française et sut admirablement rédiger rapports et ordres. Il ne demeura que peu de mois chez M e Valette. Son père, quoiqu’ayant noté le peu d’intérêt qu’il montrait pour la profession, persista dans son dessein et le fit engager par le procureur du roi pour une occupation similaire. Il s’y ennuya, car il n’était pas fait pour demeurer toute la journée assis sur un tabouret à gratter du papier.
En cette année 1784, la monarchie française traversait une crise politico-économique. Mais la lutte entre les parlements et le pouvoir royal touchait fort peu le milieu artisanal de la famille Ney. Constatant que, décidément, son fils ne semblait avoir aucune disposition pour les professions juridiques et qu’il lui fallait un métier où il aurait davantage l’occasion de se dégourdir les jambes, Pierre Ney le fit embaucher aux forges de Salek en qualité de surveillant. S’il avait encore à remplir des états, il devait surtout courir les ateliers pour contrôler le travail des manoeuvres. Notons qu’il fallait déjà une certaine personnalité à un adolescent de quinze ans, pour avoir la capacité de suivre la tâche d’ouvriers qualifiés. Même s’il eut l’occasion de se dépenser physiquement, il ne se plut guère. Au bout de deux ans, il en partit pour exercer les mêmes fonctions aux mines de fer d’Apenweiler. Mais il semblait qu’il n’y resterait pas longtemps : son désir était toujours d’embrasser la carrière des armes et les objections réitérées de son père n’entamèrent en rien sa détermination.
Aussi, à la fin de novembre 1788, cette fois sans prendre la peine de consulter les siens tant il connaissait leurs idées, démissionna-t-il. Puis, comme il désirait ménager ses petites économies, c’est à pied qu’il effectua le trajet de Sarrelouis à Metz. Il savait monter à peu près correctement à cheval. Ce fut donc dans un régiment de cavalerie, le colonel général des hussards, qu’il s’engagea. Ce gaillard de dix-neuf ans
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