Le maréchal Ney
était grand : cinq pieds, six pouces (approximativement 1,78 mètre). Sa robuste constitution et son instruction au-dessus de la moyenne firent que les recruteurs fermèrent les yeux sur sa taille un peu trop haute pour la légère.
Il avait le front large, les yeux bleus, le nez relevé, la bouche petite, le menton un peu proéminent et les cheveux bouclés d’un blond roux. Ce ne fut que bien plus tard, lorsque la vie des camps lui eut tanné la peau et foncé le poil, qu’il reçut le surnom de « rougeaud ». Et puis, il manifestait un enthousiasme de bon aloi à l’idée de revêtir la tenue du régiment. Celle-ci était brillante : pelisse de drap écarlate doublée de mouton blanc, dolman bleu céleste, shako de feutre noir avec flamme écarlate, brandebourgs jonquille, culotte bleue céleste, demi-bottes à la hongroise, sabretache écarlate. Le harnachement du cheval – enrennement noir, chabraque en peau de mouton blanche, plaques de frottement noires – était tout aussi splendide.
Dès le début, Michel Ney se montra excellent soldat, s’efforçant d’assimiler tous les aspects de la vie militaire.
Chose plus curieuse avec un caractère difficile comme le sien, il se révéla bon camarade. Passionné d’escrime, il devint en quelques mois une fine lame. Sa renommée de sabreur s’établit tellement que lorsqu’en 1789 une querelle éclata entre les hussards de son régiment et les chasseurs de Vintimille, ce fut lui qui fut choisi pour défendre l’honneur de son corps. Son adversaire n’était pas à négliger, puisqu’il s’agissait du prévôt d’armes des chasseurs. Mais Ney n’en fut pas le moins du monde impressionné.
Malheureusement, ou heureusement, le duel fut interrompu avant même d’avoir commencé. Comme les deux champions venaient de croiser le sabre, Ney se sentit tiré par les cheveux. C’était son colonel qui passait par là, et le combat se termina au cachot pour les deux protagonistes. Toutefois, une rumeur courut longtemps dans la garnison de Metz, selon laquelle, une fois élargi, Michel Ney aurait rappelé son adversaire sur le terrain et l’aurait blessé au poignet, l’estropiant à vie.
Les parents du jeune homme s’étaient résignés et avaient fini par accepter sa décision. Il est vrai que la vocation militaire semblait enracinée dans la famille. Un frère puîné de Pierre, oncle de Michel, était déjà soldat et sera tué comme capitaine à Marengo.
Sa mère eut toutefois du mal à le supporter et mourut, peut-être de chagrin, en 1791 sans avoir connu l’étonnante carrière de son fils. L’avancement était très lent dans l’armée française avant la Révolution et cela se comprenait pour des hommes qui n’étaient pas destinés à dépasser le grade d’adjudant. Bien qu’il eût été noté par ses chefs comme un soldat accompli, plein d’allant et très brave, d’une intelligence vive et ayant déjà le sens du commandement, Michel dut attendre vingt-cinq mois, jusqu’au 1 er janvier 1791, avant d’être promu brigadier fourrier. Le même jour, changeant de nom, le régiment devenait le 5 e hussard.
Il devait raconter plus tard que ces fonctions avaient été pour lui pleines d’enseignement et qu’il y avait appris tout ce qui concernait le ravitaillement d’une troupe. Pendant ce temps, la Révolution avançait et dans les régiments, où se multipliaient les loges maçonniques, il était courant de parler politique, en faisant preuve toutefois d’une certaine prudence. Car tous les officiers ne voyaient pas cette agitation d’un bon oeil. Sans doute pas très intéressé, ne comprenant pas grand-chose aux discours sur les droits de l’homme et la liberté universelle, le jeune Michel Ney évita de se mettre en avant. Ce comportement lui réussit, car, en février 1792, il fut nommé maréchal des logis. Il est probable que ce fut à cette époque qu’il fut initié franc-maçon, comme tous les sous-officiers. Il ne fut toutefois pas un frère bien fervent et cette société secrète n’allait pas jouer un grand rôle dans sa vie.
Deux mois plus tard, le 20 avril 1792, la France déclarait la guerre à l’Autriche et à la Prusse. Ce conflit allait durer plus de vingt ans. Depuis le 1 er avril, Michel Ney était maréchal des logis-chef.
C HAPITRE II
UNE CARRIÈRE SOUS LA RÉVOLUTION
(1792-1801)
Si le roi Louis XVI et l’Assemblée dite législative étaient tombés d’accord pour déclarer cette guerre,
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