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Le mariage de la licorne

Le mariage de la licorne

Titel: Le mariage de la licorne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Marie Bourassa
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que j’ai eu la main heureuse. Contente-toi de savoir qu’il a fait écrire ceci pour m’empêcher de lui succéder en tant que propriétaire en titre de la boutique. Maintenant qu’il y est parvenu, l’abbaye n’a plus rien à y voir.
    « Au moins, je n’y aurai pas mis les pieds pour rien », se dit-il.
    *
    — Je savais que ce moment allait venir. Ta place est autre part, avait dit le père Antoine qui avait surpris Louis en train de fouiller son étude.
    Il en avait forcé la porte pour reprendre ses effets personnels que le père Bernard était venu remettre à l’abbé quelques jours plus tôt. Louis avait fait face au petit religieux, calmement, en silence. Antoine avait lu la mort dans les yeux de l’homme avant même d’apercevoir la dague dans sa main. Mais il n’avait pas reculé. Il avait dit encore :
    — J’ai quelque chose pour toi.
    Louis l’avait laissé se diriger vers un coffre et il l’avait ouvert pour y prendre un document.
    — Dieu, dans Son ciel, a déjà du pain en abondance.
    Il s’était lentement rapproché et l’avait remis au colosse en lui disant ce que c’était. Il avait précisé :
    — Il n’en existe pas d’autre copie.
    Cela avait paru émouvoir Louis. Mais il avait dit, d’une voix rauque :
    — À quoi bon ? Jamais plus on ne me laissera faire le pain. Sur quoi Antoine avait souri et rétorqué :
    — Savais-tu que le mot compagnon, en latin cum panis, signifie ceux qui partagent le pain ? Les voies du Seigneur sont sans doute impénétrables, mais j’ai la certitude qu’il t’aidera à trouver la tienne. Va. Ce papier, je ne l’ai jamais vu. Allez, va et emporte-le, puisque je te l’offre.
    Et Louis était parti sans un mot avec sa fardelle* en bandoulière.
    *
    Clémence secoua la tête, incrédule.
    — Louis, te rends-tu compte de ce que tu as fait ?
    — J’ai repris mes affaires.
    — Aurais-tu été jusqu’à… tuer l’abbé ?
    — Seulement s’il s’était mis en travers de mon chemin. Alors, tu le prends ce papier, oui ou merde ?
    — Mais toi… tu y renonces ? Tu nous offres la boulangerie, juste comme ça ?
    — Pas tout à fait. Puisque je ne peux plus moi-même faire de pain à cause de mon métier, vous l’exploiterez à ma place. Vous travaillez désormais pour moi. C’est tout ce qui change. Je n’exige que dix pour cent des revenus, à m’être annuellement remis jusqu’à mon trépas. C’est ce qui était auparavant versé à l’abbaye. Le reste devra être équitablement réparti entre vous et les besoins du commerce. Cet arrangement doit rester entre Hugues, toi et moi.
    — Tes conditions sont très raisonnables, puisque grâce à toi les besoins de la famille demeurent assurés. Mais permets-moi quand même d’en discuter avec mon mari.
    — Comme tu voudras.
    Elle ne put que sourire et frotter timidement le bras de Louis. Il détourna le regard. Elle lui prit doucement le poignet et dit :
    — Reste à souper avec nous, que mes enfants rencontrent leur oncle.
    — Non…
    Son bras se rétracta. Il dit, hésitant :
    — Ne leur dis pas qui je suis.
    — Et pourquoi pas ? Ils ignorent que tu es un bourrel*.
    — Ils l’apprendront bien assez tôt, s’ils viennent à me revoir un jour. Cela nuirait à la boutique et à vous tous. N’en parle pas. À personne.
    La petite femme réfléchit un moment, puis elle dit, en lui souriant :
    — C’est promis, grand frère. Viens. Allons souper.
    Louis mangea ses haricots en se demandant in petto pourquoi le garçon qui était assis devant lui se renfrognait de plus en plus, sans raison apparente. Hugues fut mis au courant des termes de l’entente possible. Elle était conclue lorsque l’orange et le sou changèrent de mains sous les regards intrigués de leurs parents.
    — Se pourrait-il que ces enfants s’adonnent au jeu ? Ceci ressemble fort à un pari, remarqua Hugues.
    — Et on dirait que j’en fais l’objet, dit Louis.
    — Vous aimez les haricots, dit la fillette, comme si le lien entre la gageure et les haricots était évident.
    Puis, au garçon qu’elle poussa du coude :
    — Vas-y, demande-le-lui.
    — Non, je n’en ai plus envie, rétorqua-t-il, la mine toujours boudeuse.
    Les parents écoutaient l’échange d’un air amusé. Comme Louis n’intervenait pas, Hugues le fit à sa place :
    — Demander quoi ?
    Le gamin soupira et rassembla tout son courage pour se tourner vers l’invité :
    — Est-ce vrai

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