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Le marquis des Éperviers

Le marquis des Éperviers

Titel: Le marquis des Éperviers Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Paul Desprat
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savez, Altesse, les dynasties d’Europe sont appelées pour perdurer à déployer des trésors d’adresse dont personne n’avait eu jusque-là l’idée. Les cadets, nul n’en peut douter, auront demain leur mot à dire.
    – Nous sommes bien loin du trône, objecta le duc, la famille du roi est florissante… Je ne suis aujourd’hui que le cinquième dans l’ordre de succession à la couronne.
    – Et que savez-vous des desseins de Dieu et de l’ordre naturel des choses ? insista le conseiller, n’avez-vous pas reçu la grâce royale en naissant ? Prétendriez-vous pouvoir déchiffrer les énigmes du futur et – certains ici me comprendront – ajouta-t-il en considérant fixement le prince, avez-vous à vous résigner en place de votre descendance à l’iniquité dont fut victime votre père ?
    – Mais, monsieur, reprit le prince qui avait frissonné aux paroles du conseiller, comment voudriez-vous que je songe à ce qui est grand quand on refuse mes services à l’armée et quand on ne voudrait me voir qu’au bal et à la chasse comme mes cousins Condé et Conti ?
    – Altesse, tout ce qui contrecarre votre volonté doit vous inciter à aiguiser vos capacités… Vous n’avez pas le droit de gâcher un talent qui peut être demain une chance pour toute la nation française.
    Il fut interrompu par le bruit d’une porte.
    C’était Clémire, portant sur son visage un air de gravité inhabituel.
    – Vous m’avez demandée, Philippe ? fit-elle d’une voix qui ne possédait plus le franc métal de ces choses doucettement murmurées dont Victor avait gardé à l’oreille la musique frôleuse.
    Elle s’immobilisa brusquement, découvrant tour à tour ceux qui avaient envahi la pièce, l’air embarrassé du duc, les yeux encore rouges de Madame. Elle reconnut enfin son amoureux placé dans le contre-jour d’une fenêtre ouvrant sur le parc.
    – Victor ! murmura-t-elle en s’élançant les bras ouverts.
    Il se précipita à son tour.
    – Sauveur, je vous retrouve ! soupira-t-il en la pressant contre lui.
    Elle inclina contre son épaule sa tête brune couronnée d’une petite fontange de fil d’or et de dentelle noire.
    – Ah ! chuchota-t-elle, tremblante d’émotion, Philippe a été bien bon de vous prier de me rejoindre… Malgré toutes les bontés qu’on a pour moi ici, je n’en finissais pas de me morfondre de vous.
    Et pour rendre plus persuasives ses paroles, dans un mouvement d’espièglerie retrouvée, elle frotta son bout de nez rose contre le col de l’habit de velours de son galant.
    – Ne sont-ils pas charmants ensemble ? s’exclama Madame à la cantonade avant de s’avancer pour embrasser les deux amants… Ma belle enfant, enchaîna-t-elle à l’adresse de Clémire, voulez-vous faire encore un plaisir à votre pauvre Liselote 252 ?
    – Je vous dois déjà trop, Altesse, répondit la jeune fille… Vous avez été si bonne pour moi pendant tous ces jours et si prévenante envers mes bons parents Lheureux qui tremblaient que je ne vous causasse quelque déplaisir.
    – Je désirais seulement, précisa Madame, vous prier d’accepter le complément de dot que je constituerai lorsque vous épouserez monsieur de Gironde.
    Clémire voulut répondre.
    – Vous avez promis, protesta la duchesse, il faut laisser à une vieille femme le plaisir de s’offrir quelques caprices !… D’ailleurs, je vous regarde un peu comme de la famille : on va vous expliquer pourquoi.
    – Oh, Madame ! s’exclama Clémire en sautant au cou de la princesse.
    – Eh bien ! fit monsieur Davignon qui s’était rapproché des jeunes gens, ne dirait-on pas que les choses finissent par s’arranger vraiment ?… Qu’en pensez-vous, mademoiselle ? poursuivit-il en se tournant vers Clémire, vous qui ne savez toujours ni le fin mot de tout ce mystère ni le personnage que je fais ici.
    Victor, toujours sous le coup d’un grand saisissement, réalisa qu’il n’avait pas songé à présenter Clémire à son oncle. Il s’en acquitta aussitôt d’une voix que le bonheur rendait hésitante.
    – Je vous félicite, mon garçon, lui glissa le conseiller après les compliments d’usage, elle est tout à fait selon mon cœur.
    Et pour témoigner de son admiration, il déposa deux baisers sur les joues en feu de sa future nièce. À cette seconde, et pour la première fois depuis qu’il le connaissait, monsieur Davignon parut à Victor accessible aux passions des mortels.
    Ce fut le conseiller, lui

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