Le médecin d'Ispahan
longues courses solitaires à la recherche de
bonnes herbes, Rob J. revint à son père en qui il avait une totale confiance et
continua peu à peu son instruction au dispensaire. Quand il eut neuf ans, il
demanda à venir chaque jour et devint l'assistant de Rob.
Un an après la
naissance de Jura Agnes, Mary eut un troisième garçon, Nathanael Robertson. Ce
fut son dernier enfant et elle s'affligea des accidents et fausses couches qui
suivirent. Rob fut heureux de la voir enfin retrouver ses forces et son allant.
Nathanael avait cinq ans quand on vit arriver un jour, menant un âne chargé, un
homme à cheval qui portait un caftan noir et un chapeau de cuir. Il s'appelait
Dan ben Gamliel, venait de Rouen et semblait épuisé de son long voyage.
Il fut surpris
de voir le maître de maison l'accueillir dans la Langue, s'occuper de ses
bêtes, lui servir des mets non interdits avec les bénédictions rituelles.
« Vous
êtes donc juifs ?
– Non, nous
sommes chrétiens. Mais nous avons une grande dette envers vous. »
Rob eut même
envie de travailler après le repas sur les commandements, mais l'homme se
déroba avec embarras, « n'étant pas un érudit, dit-il. » Le lendemain
matin, ce fut pire quand il vit son hôte se joindre à ses prières avec châle et
phylactères.
« Je sais
ce que tu es. Tu es un Juif apostat, qui a tourné le dos à notre peuple et à
notre Dieu pour donner son âme à une autre nation.
– Non, dit
Rob, désolé d'avoir ainsi perturbé les dévotions de ben Gamliel. Je
t'expliquerai quand tu auras fini. »
Mais, quand il
revint un peu plus tard, le voyageur avait disparu avec son cheval, son âne et
son bagage. Il avait préféré s'enfuir plutôt que de s'exposer à la contagion de
l'apostasie.
Rob ne vit
plus jamais de Juifs. Il oubliait aussi le persan et s'imposa de traduire le
Canon en anglais pour pouvoir encore consulter le maître médecin. Il pensait
souvent à Jesse ben Benjamin mais, faisant la paix avec son passé, il en vint à
ne plus parler de ce qu'il avait vécu. Parfois, occupé à une de ces tâches
quotidiennes qui rythment la vie en Ecosse : nettoyer un enclos, dégager
des congères ou couper du bois, il se souvenait soudain de la Perse. Le désert
la nuit, Fara Askari allumant les bougies du sabbat, le barrissement de
l'éléphant qui charge pendant la bataille, ou la sensation merveilleuse de
voler, perché sur un chameau en pleine course.
Peut-être
avait-il toujours vécu à Kilmarnock et tout ce passé n'était qu'un conte, comme
on en écoute autour du feu quand un vent glacé souffle dehors.
Ses enfants
grandissaient, changeaient, sa femme devenait plus belle avec l'âge. Une seule
chose était constante : son don de médecin qui, au chevet d'un malade
solitaire ou dans la foule du dispensaire, le rendait sensible à la douleur des
patients. Et cet élan de gratitude d'avoir été choisi. Qu'une telle chance de
servir et de soigner ait été donnée à l'apprenti du Barbier.
REMERCIEMENTS
Le Médecin
d'Ispahan est une histoire où seuls deux personnages sont tirés de la réalité,
Ibn Sina et al-Juzjani. Un chah s'est appelé Ala al-Dawla, mais dont on sait si
peu de chose que le personnage de ce nom est fondé sur un amalgame de chahs.
J'ai dépeint
le maristan d'après les descriptions de l'hôpital médiéval de Bagdad.
Une bonne
partie de l'ambiance et des événements du XI e siècle a été perdue
pour toujours. Là où l'information était inexistante ou obscure, je n'ai pas
hésité à romancer. On comprendra donc que ce livre est une œuvre d'imagination
et non une tranche d'Histoire. Toutes les erreurs, grandes ou petites que j'ai
faites dans le but de récréer le sens du temps et du lieu sont miennes.
Néanmoins, ce roman n'aurait pu être écrit sans l'aide d'un certain nombre de
bibliothèques et de personnes.
Je remercie
l'université du Massachusetts, à Amherst, qui m'a permis d'avoir accès à toutes
ses bibliothèques, et Edla Holm, du service de prêts de cette université.
J'ai trouvé
une bonne quantité de livres sur la médecine et l'histoire médicale à la
bibliothèque Lamar Soutter du Centre médical de l'université du Massachusetts.
Le Smith
Collège a eu l'amabilité de m'autoriser à utiliser la bibliothèque William
Allan Neilson. J'ai trouvé à la bibliothèque Werner Josten, du Smith's Center
for the Performing Arts, de nombreux détails sur les vêtements et les
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